mercredi 23 décembre 2020

Il Vecchione

 Décembre 2018. J'étais, à cette période, très seul. J'avais fui en Italie. Dormi ici et là dans des hôtels modestes, m'étais arrêté dans la plus petite ville, pour espérer apercevoir quelque chose qui ne se dissimule pas. Les ruines romaines de Brescia, les arcades de Mantoue, les grottes de Catulle au bord du Lac de Garde, dans le froid de l'hiver pour le dernier jour de l'année.

Le soir même, une petit chambre à Bologne au-dessus d'un cinéma aux cloisons trop fines. Et toujours cette scène de course-poursuite que j'entendais à heure régulière, qui faisait trembler les murs.

Minuit approchait, je suivais la foule qui se concentrait sur la Piazza Maggiore, sous le regard impassible du Neptune de bronze. J'avais connu le Capodanno devant les aiguilles du Duomo de Milan; le cul entre deux chaises un peu dans la ville haute, un peu dans la ville basse de Bergame; je connaîtrai plus tard les cris de joie, et cet inconnu, me prenant dans ses bras, qui fit propulser mon téléphone parmi les pas des fêtards, sur la place concave du Campo de Sienne. Mais nul réveillon ne me laisse un souvenir plus durable que ce minuit à Bologne. 

Le Vecchione était installé. Immense figure de bois qu'aurait adoré Arcimboldo, faite de mobilier désuet, de tiroirs et de fonds de tiroirs, de bureaux et de vieilles chaises, s'apprêtant à brûler, et avec lui toute les mauvaises choses de l'année, et Dieu sait qu'à cette époque il y en eut. Tradition ancestrale qui rappelle ce Moyen-âge où l'on jetait par les fenêtres la vaisselle et débarrassait les foyers de tout ce qui les encombrait, afin de faire le plus grand fracas, dans l'espoir que les mauvais esprits fuient.

La foule s'était rassemblée autour du vieux géant. La détonation retentit aux premières secondes de l'année. Puis le feu commença à prendre. Nous regardions cette tornade de feu léchait la nuit, et en pensée, tant de ma vie s'y est vu sacrifié. La cendre pleuvait, et un Italien épousseta mon épaule où une braise était venue se perdre, avant que je ne me mette moi aussi à brûler. Je l'en remerciai d'une révérence.

Quelques personnes restèrent pour observer les dernières lueurs du Vecchione, certains dansaient, d'autres s'embrassaient.


Photo du Vecchione de Bologne, Capodanno 2018:




samedi 14 novembre 2020

La Vague

Eté 1869. Courbet s'installe à Etretat. Cette fois pour de bon. Quelque chose lui tient à cœur depuis longtemps. Il passe ses jours à contempler la mer, et les falaises s'y précipitant tout d'un bloc. Il calcule l'air, examine la lumière, autopsie l'horizon. Monet reprendra ces mêmes chemins, pour aiguiser son regard sur ces chatoiements gris et ocres. Courbet, lui, aiguise déjà son pinceau, il lutte contre les éléments, se jette, l'âme et le corps, dans la tempête ; c'est la mer s'écrasant contre la grève qui occupera tout son esprit. Se remettant au travail à chaque nouvelle écume. L'assaut de la peinture contre la lame. Il vise l'abstraction, le chaos, l'obscurité du mouvement. On est emporté dans la houle.

Monet, Soleil couchant à Etretat, 1883, Musée des Beaux-Arts de Nancy:



Maupassant écrira plus tard à propos de Courbet : « Dans une grande pièce nue, une gros homme graisseux et sale collait avec un couteau de cuisine des plaques de couleur blanche sur une grande toile nue. De temps en temps, il allait appuyer son visage contre la vitre et regardait la tempête. La mer venait de si près qu'elle semblait battre la maison, enveloppée d'écume et de bruit. L'eau salait frappait les carreaux comme un grêle et ruisselait sur les mers. »


Courbet, La Falaise d'Etretat après l'orage, 1870, Musée d'Orsay



« Or, cette œuvre devint la Vague et fit quelque bruit par le monde, conclut Maupassant. »

Un travail d'obsession. Un acharnement. Achab harponné au flanc de Moby Dick. Toute une série de toiles qui gravitent autour d'un même fracas. L'artiste toujours en chasse de la mer qui vient puis se retire. Courbet écrit justement à Victor Hugo: "La mer, la mer, avec ses charmes, m'attriste! Elle me fait dans sa joie l'effet du tigre qui rit, elle me rappelle les larmes du crocodile, et dans sa fureur le monstre en cage qui ne peut m'avaler."


Courbet, La Vague, 1869, MuMa Le Havre:




Dans La Falaise des Fous extraordinaire épopée de l'impressionnisme en Normandie, Patrick Grainville écrit: "Ses Vagues me subjuguèrent. Monet n'aurait pu ou voulu peindre un monde d'une puissance si violente, si noire. Courbet ne cherchait pas les milles déclinaisons, les fééries changeantes et contradictoires de son confrère. C'est la même tempête immémoriale qui charrie et propulse ses marbrures brisées et ses arceaux crochus de bestialité. La mer houleuse ou, comment dirais-je?... bouleuse, le ciel charriant de lourdes nuées d'un violet sombre jusqu'à la couleur des ténèbres. On était en 1869, Courbet sentait-il accourir les périls de la guerre et de la révolution qui devait la suivre? Ses vagues roulent du minéral broyé. Nulle transparence, nulle fluidité, mais la précipitation sur nous d'un vacarme de la matière hérissée, plissée, recourbée. Tonnerre de la vague dans ses différentes versions. Même grondement tellurique. L'écume n'est pas la mousse heureuse de Monet mais un gravier grenu, une rage de crinières caillouteuses. Un Cerbère dont la lave bouillonne en bouquets de mufles. Les barques sur le rivage sont des chaudrons noirs de Charon."




Idée de lecture: Patrick Grainville, La Falaise des Fous, Editions du Seuil, 2018

Courbet, La Vague, 1869, Musée des Beaux-Arts de Lyon:



samedi 7 novembre 2020

Le jardinier du roi

 Souvent il m'est arrivé de rêver du Grand Siècle. Autour d'un seul homme, gravitaient comme des astres Racine, Vauban, Molière, Colbert, La Rochefoucauld, Le Brun, Riquet, La Fontaine, le Grand Condé. Tant d'autres. Ce fut à cette époque que Toulouse étendit son bras jusqu'en Méditerranée, à cette époque qu'une ville fut bâtie et un port au pied du Mont Saint-Clair, on parlait une langue française, telle que je la rêve alors, pleine de tournures, de feintes, de surprises, rigoureuse et exubérante. A Versailles, des milliers d'hommes se tuaient à la tâche pour les pierres d'un palais. Et je n'ose pas même imaginer ce à quoi ressemblait Paris en 1660.

Ce siècle-là, je l'ai entrevu pour la première fois parmi les allées et les parterres, les bassins, et les perspectives de Vaux. Fouquet demande à André le Nôtre de penser les jardins de son domaine. Un grand poème s'écrit alors. "Le chef-d'œuvre du jardin à la française" écrit  Erik Orsenna.

"On le croit figé, pétrifié, éternel alors que ses miroirs d'eau sont les logis favoris de l'éphémère. On le croit rigide, glacé, inhumain, alors que la perspective bien conduite est le plus apaisant des paysages. On le croit ennemi de la nature alors qu'il organise son dialogue avec l'intelligence."

J'ai lu ces pages, un dimanche pluvieux, dans les allées de Vaux-le-Vicomte, au pied du dôme, pour y voir un peu plus clair.

"Commençons la promenade et cédons aux apparences: elles vont nous toutes nous tromper. Dos au château, marchons vers la ligne de grottes, au fond, peuplées de statues. L'allée centrale vous paraît rectiligne? Première erreur: elle s'élargit peu à peu pour corriger l'effet de fuite et sa tendance à rabougrir l'horizon. L'espace vous semble plan? Deuxième et troisième erreur: vous débouchez par deux fois sur des terrasses qui masquent des bassins. Au moins les grottes vous attendent sagement, à hauteur du regard. De nouveau, double erreur. Un pas de plus et vous tombiez dans l'eau verte d'un très long canal, invisible l'instant d'avant. Quant à vos grottes, elles vous sourient au fond d'un creux."




Plus qu'ailleurs, les jardins de Le Nôtre nous rappellent le luxe de l'erreur. Qui eût cru que le classicisme pût être à ce point baroque? Tout nous égare, rit dans notre dos et provoque l'air de rien une impression de vertige. On cherche à rejoindre l'Hercule du Farnèse, si proche, doré comme un phare, mais il semble s'éloigner à mesure que l'on marche. Les saisons s'enchaînent en l'espace d'une heure, et ultime facétie, l'averse laisse place à un grand soleil qui vient s'écraser sur l'or de la statue.




Erik Orsenna conclut ainsi le chapitre: "Le Nôtre est-il jamais revenu à Vaux? L'endroit sentait le souffre, le hargneux monarque avait des espions partout, et notre jardinier connaissait la prudence... J'imagine pourtant ce retour, à la fin de sa vie.

Un vieil homme marche vers la surprise du canal. Il se promène lentement dans une perfection dont il est l'auteur. Mieux que personne, il sait que le reste de son œuvre est commentaire de la première. A Versailles, il a changé d'échelle. A Chantilly, il a plus complétement traité l'eau. A Saint-Cloud, il s'est plus amusé avec la complexité du site... Mais le cœur de toutes ces variations, leur grammaire était dans Vaux.

Alors, avant de repartir pour Versailles retrouver son ami le Roi-Soleil, peut-être notre visiteur songe-t-il à remercier secrètement l'écureuil?"


Source: Erik Orsenna, Portrait d'un homme heureux, André Le Nôtre, 1613-1700, Gallimard, Folio


Photo des jardins de Vaux-le-Vicomte:



dimanche 11 octobre 2020

Pierre Bonnard-Saul Leiter. Correspondances

 Une même intuition. Un même regard, l'un et l'autre, sur la femme. Enfin nue, enfin vraie. Les Vénus à la Botticelli peuvent aller se rhabiller. Les belles endormies de Courbet ou les putains orgueilleuses de Manet, tellement nues qu'on en oublierait la nudité. Marthe dans les toiles de Bonnard, les modèles dans les photographies de Saul Leiter, toutes ces femmes ne sont jamais trop nues: elles sont nues, juste comme il faut.


Le peintre qui a dépassé le nabi, tangenté l'impressionnisme redira ce que dira après lui le photographe new-yorkais qui lorgnait souvent du côté des Beaux-Arts: une femme ne doit pas être trop déshabillée ni trop peu déshabillée.



A un siècle d'écart, Bonnard et Leiter, sur deux continents distincts, poursuivent une même fulgurance, et on s'amuse qu'à l'aune d'une quête si ambitieuse les moyens soient si modestes.


On s'infiltre là, l'air de rien; on ne pensait pas aller si loin, ou plutôt venir si près.



Tout entier dans la moiteur d'une chambre, après l'amour. Tout d'un coup, on est seul. De l'autre côté des choses; on voit ce que l'on ne voit jamais que dans l'intimité des êtres qui viennent tout juste de s'aimer. Ils ont cessé de s'embrasser, ils n'ont pas encore pris la peine de reprendre leurs conversations. Le silence tient encore bon. L'artiste tend à s'effacer subrepticement. Elle est alanguie. Les draps sont froissés, ou s'apprêtent à l'être. On aperçoit le vêtement qui bâille, un sein qui se dérobe; dans l'embrasure d'une porte, on réapprend à observer. L'être aimé se rétrécit, dans des angles, dans un coin du cadre, ou se multiplie au gré de miroirs. Une femme se trouble parmi les reflets de l'eau, son éclat d'autant plus limpide que sa présence trouble justement le regard indiscret.



On imagine les parfums lourds de la pièce, le son étouffé des pas. Et ces femmes, multiples, toujours plus la même, que seul un artiste amoureux peut de la sorte peindre ou photographier, comme un prolongement de l'ébat. Son accomplissement. Dans cette intimité partagée, clandestinement, devant tant de nudité mesurée, sans jamais être crue ni racoleuse, on jurerait y voir un peu d'une vérité. De ces vérités qui ne durent qu'un temps.



Idée de lecture: Guy Goffette, Elle, par bonheur, et toujours nue, Paris, Gallimard, Folio, 1998

mercredi 23 septembre 2020

Fouquet, victime expiatoire

 Le soleil aura froncé les sourcils. Offusqué, écrit Paul Morand. Les richesses, l'éclat, la grâce de Nicolas Fouquet auront fait de l'ombre au roi qui envie ce luxe, qui jalouse sa demeure: le château de Vaux-le-Vicomte.




Jusqu'où ne montera-t-il pas?, disait-on à l'époque du Surintendant, en se doutant peut-être qu'il avait quelque chose d'Icare.

Depuis longtemps déjà Louis XIV et Colbert cherchaient une victime expiatoire, d'où s'élever. Puis, la voie désormais libre, imiter ce qu'ils feignaient de condamner. Sa puissance sur les cendres du pouvoir, non de son père, mais de Fouquet, l'écureuil.

 Le bûcher de ce bouc émissaire qui s'ignorait, ou le laissait croire, s'est organisé le soir du 17 août 1661, dont il avait pensé la splendeur dans les moindres détails, avec Le Nôtre pour les jardins, Le Vau pour l'architecture, Le Brun pour les fresques, Molière pour le divertissement, Vatel pour le festin qu'une déconvenue contraindra au suicide.

"Vaux ne sera jamais plus beau qu'il ne le fut cette soirée-là" écrit La Fontaine, fidèle ami de Fouquet. La cour du roi est éblouie, elle qui ne jouit pas encore des fastes de Versailles.



Les flammes où a lieu le sacrifice ébahissent les convives: de la plus petite chandelle au feu d'artifice grandiose que l'on aperçoit du Grand Salon.


Mais dans les sourires, les convenances, des complots sourdent, des messes basses, des noms que l'on prononce à demi-mot en exigeant qu'ils ne soient plus prononcés par quiconque. Ces murmures précipiteront Fouquet.

Derrière les apparats de la fête, en vérité, nul ne l'ignore, personne ne rit vraiment.


Idée de lecture: Fouquet ou le Soleil Offusqué. Paul Morand.


Photo de Vaux-le-Vicomte, soirée aux chandelles:




mardi 8 septembre 2020

Fontainebleau. L'exhalaison des siècles

 Dans L'Education sentimentale, Frédéric Moreau et son amante Rosanette, lassés de l'agitation parisienne, visitent les appartements royaux de Fontainebleau. Flaubert écrit ceci: "Les résidences royales ont en elles une mélancolie particulière, qui tient sans doute à leurs dimensions trop considérables pour le petit nombre de leurs hôtes, au silence qu'on est surpris d'y trouver après tant de fanfares, à leur luxe immobile prouvant par sa vieillesse la fugacité des dynasties, l'éternelle misère de tout; - et cette exhalaison des siècles, engourdissante et funèbre comme un parfum de momie, se fait sentir même aux têtes naïves."

On y sent donc les siècles murmurer. On perçoit, comme Frédéric, la présence de "tous les personnages qui avaient hanté ces murs."

1814. Napoléon est contraint d'abdiquer. Il s'apprête à dire adieu à sa vieille garde, et descend lentement l'escalier en fer à cheval. Tant de batailles, un empire si grand. Quelques sursauts, c'est vrai: les Cent jours, mais s'ensuivra Waterloo, et de nouveau il subira l'exil.



Le château, par ses vestiges, est comme rempli de spectres. On y déambule, la nuit, les galeries étranges semblent se perdre dans l'ombre, et à la clarté d'une lampe torche, parfois, se découvrent les longues silhouettes des cariatides de l'ancienne chambre de la duchesse d'Etampes, accompagnés de satyres impudiques.


On est alors saisi de vertige par les stucs de Primatice, tourbillonnant au-dessus d'un majestueux escalier de marbre qui se précipite sous nos pas, emportant dans son silence d'anciens soupirs auxquels viennes répondre les fresques des amours d'Alexandre.


 1539. François I invite son éternel rival, son meilleur ennemi, Charles Quint, à découvrir les splendeurs de son palais, sa "nouvelle Rome". Quelques années plus tôt, il était son captif, après la défaite cuisante de Pavie. Bien des années après, en s'exilant au fin fond de la Castille, Charles Quint emportera avec lui sa collection des Titien, dont un portrait du roi français. François I lui fait découvrir la majesté de sa galerie, dont les fresques peintes par le Rosso, rivalisent avec la Chapelle Sixtine.


Des incendies flamboyants et des naufrages côtoient les rondeurs de trois grâces, Danaé ou Diane la muse de Fontainebleau, dont l'impudeur noble trouble encore les sens à la faveur de la nuit.



Flaubert, toujours, à propos des charmes de Diane Chasseresse: "Tous ces symboles confirment sa gloire; et il reste là quelque chose d'elle, une voix indistincte, un rayonnement qui se prolonge.
Frédéric fut pris par une concupiscence rétrospective et inexprimable."

Photo du Château de Fontainebleau, de nuit:






dimanche 16 août 2020

Goethe-Palladio

Goethe fuit nuitamment Carlsbad le 3 septembre 1786, il a besoin d'horizons nouveaux, empêtré depuis longtemps dans des obligations ministérielles qui finissent par le lasser. Ratisbonne-Munich-Innsbruck. Les Alpes. Et enfin, l'Italie: Bolzano, Trente, Vérone. Il arrive à Vicenza le 19 septembre, attiré par les œuvres néo-classiques d'un seul homme qu'il juge être le plus grand architecte de la Renaissance: Andrea Palladio


"Je suis arrivé depuis quelques heures. J'ai déjà parcouru la ville; j'ai vu le théâtre olympique et les édifices de Palladio. On a publié, pour la commodité des étrangers, un livret fort joli avec des figures et un texte qui dénote la connaissance des arts. C'est lorsqu'on est en présence de ces ouvrages, qu'on en reconnaît enfin la grande valeur. Il faut que l’œil en embrasse la grandeur et la masse réelles; il ne suffit pas que l'esprit soit satisfait par la belle harmonie de leurs dimensions dans des élévations abstraites, mais avec les saillies et les retraits de la perspective. Et je le dis, Palladio fut vraiment un grand homme, intérieurement, et un créateur"

Il arpente la Piazza dei Signori où se dresse l'extraordinaire basilique palladienne: palazzo della Ragione que Palladio a recouvert d'une double arcade en marbre, dont il admire la pureté, tout en déplorant les vestiges gothiques qu'elle ne dissimule pas.


Face à elle, la Loggia del Capitanio l'enchante.


En remontant le Corso Palladio jusqu'au théâtre olympique, dernier théâtre antique dont les travaux commencent en 1580, qu'il ne pourra jamais achever, il goûte la simplicité de la Casa Cogollo, dont on dit, à tort sans doute, qu'elle fut la demeure de l'architecte.


"Parmi les bâtiments de Palladio il en est un pour lequel j'eus toujours une prédilection particulière: ce fut, dit-on, sa propre demeure. Mais elle dit beaucoup plus dans la réalité que dans l'estampe. Je voudrais en avoir le dessin, enluminé des couleurs que les matériaux et la vétusté lui ont données. Mais il ne faut pas se figurer que l'architecte se soit bâti un palais. C'est la maison la plus modeste du monde. Elle n'a que deux fenêtres, séparées par un large trumeau, qui en comporterait une troisième. Si l'on voulait en faire un tableau, en y joignant les maisons voisines, la manière dont elle s'y trouve intercalée produirait un effet heureux. C'était un sujet digne de Canaletto."

Avant d'arriver à Padoue, il s'arrêtera à la Villa Rotonda, l'un de ses chefs-d'oeuvre assurément, que Joseph Losey prendra pour décor dans son adaptation de Don Giovanni, en 1979.

Palladio occupera ses esprits et ses écrits, les premiers jours de son voyage italien, avant que Venise, Rome et Naples ne se découvrent à lui. Il trouve chez l'architecte "encore vénéré comme une étoile polaire et un modèle par ses concitoyens" une source d'inspiration, lui rappelant l'harmonie de la beauté antique et la mesure de la pensée classique.

Photo de la Piazza dei Signori, Vicenza:





samedi 25 juillet 2020

Sous les pavés... Rome.

De l'autre côté de la Méditerranée, une petite ville timide, cependant reconnue depuis toujours pour la force de ses vents, qui a fasciné Charlemagne et son armée fatiguée, de laquelle seul le gringalet Aymerillot se sentit la bravoure de partir à l'assaut: "Le lendemain Aymery prit la ville" conclut Victor Hugo dans La Légende des Siècles; petite ville pourtant qui fut grande jadis, à l'époque de Rome: Narbonne.

Hiver 1996-1997. La municipalité lance le projet de réaménager la place de l'Hôtel de Ville, carrefour rythmé par les va-et-vient des automobiles entre le grand magasin Aux Dames de France et l'extraordinaire Palais des Archevêques qui jouxte la cathédrale. La mairie profite de ce chantier pour assainir de vieux égouts datant de l'Antiquité, en contre-bas de la Tour Aycelin, tout en verticalité, à la différence du Palais des Papes d'Avignon, par exemple, qui se déploie à l'horizontal, si bien que Pierre Sansot parlera non pas d'un palais médiéval mais d'une falaise écrasante qui rapetisserait le plus grand des hommes.

Les pelleteuses s'affairent dans la rumeur ordinaire des rues que l'on remue, quand -stupeur!- les ouvriers découvrent, sous le sol de l'Hôtel de Ville, une dalle romaine. On arrête tout. Les ingénieurs se réunissent, conseillers municipaux et spécialistes se concertent. Il faut prendre une décision. On a redécouvert une voie romaine qui traverse en son cœur celle qui fut la capitale de la Gaule romaine. C'était prévisible, pourtant. Les historiens ne sont pas vraiment étonnés. On avait même connaissance de cette route au dix-neuvième siècle, et puis la cité était un carrefour routier majeur au première siècle. Mais petite amnésie collective sans doute.
Sous les pavés, la Via Domitia, entre l'Espagne et l'Italie, patientait, comme un fleuve asséché. Rome était là, si près de nous, si loin du Latium, qui se rappelait au souvenir de tous. Sous nos pieds, 2000 ans.

Et maintenant, que faire? Tout recouvrir pour préserver l'antique vestige? Le reconstituer dans le cadre d'une exposition exceptionnelle? On se concerte encore, on débat, le temps presse, il faut décider, on repense le budget. On n'échappe jamais tout à fait à l'Empire romain.
On se fait même à l'idée, cette fois, pour de bon que décidément Tous les chemins mènent à Rome.

Il sera enfin décidé de repenser intégralement la piétonisation du cœur de ville et de dessiner un nouveau forum par-delà les siècles, où dans l'espace réduit d'un carré -templum de lointains augures?- la Via Domitia nous fait un dernier clin d’œil.

Idées de lecture:
-Pierre Sansot, Narbonne, ville ouverte, Fata Morgana, 2000
-Jacques Ibanès, Le Promeneur narbonnais, L'an demain, 2015

Photo de la Via Domitia, Narbonne:




mardi 14 juillet 2020

A Fleur de peau

Les événements récents ont bouleversé un certain nombre de nos codes sociaux, et la distanciation sociale que nous impose désormais la cohabitation avec le virus nous frustre dans notre rapport à l'autre. Le toucher, la caresse, le contact, notre manière d'approcher et donc d'appréhender notre prochain semblent devoir être analysés à l'aune de ces nouvelles mesures sanitaires. Le Musée du Petit Palais d'Avignon s'est ainsi décidé à proposer, non pas une exposition, mais un parcours au sein de ses collections permanentes et de quelques prêts pour orienter le regard du visiteur. Cette thématique, intitulée "A Fleur de peau", nous réapprend à voir, à sentir pour ainsi dire les œuvres remarquables qui y sont exposées: peintures médiévales fascinantes que le touriste italien lui-même, fût-il de Florence ou de Sienne, ne pourrait que jalouser.

"On touche avec les yeux", dit-on parfois aux enfants avant qu'ils ne pénètrent dans les galeries d'un musée. Ici, il s'agirait plutôt de voir, de comprendre, de "sentir" les gestes, le toucher, les étreintes et les salutations distanciées représentées dans les œuvres du Quattrocento et de la Renaissance. On interroge le toucher avec les yeux; au rythme des panneaux, notre regard est intelligemment guidé sur des détails, qui n'en sont plus tout à fait. Chaque fait et geste, au gré des fresques mythologiques ou religieuses, est mis en écho avec cette si soudaine pénurie du toucher dont nous souffrons depuis quelques mois.

On y croise une représentation de Job dont les tourments célestes qui l'accablent le couvrent de plaies. Son corps meurtri l'exclut plus encore du monde. Sa chair devient l'expression même de ses malheurs.


Ici, une oeuvre du photographe contemporain Andres Serrano représentant un pied sur lequel on reconnaît une plaie du Christ; en face, une crucifixion du seizième siècle.

Là, une Cène extraordinaire où Saint-Jean, le plus jeune des apôtres, se laisse tomber dans les bras de Dieu, s'abandonne dans son amour pour Lui.


On y découvre plus loin un impression étendard du début du quinzième siècle: La Vierge de la Miséricorde. Madone sollicitée pour se protéger des grandes épidémies d'alors. La tapisserie représente pourtant une foule de pénitents, à une époque où les rassemblements étaient déjà interdits par mesure de précaution. Une oeuvre remarquable de prime abord, qui nous parle plus que jamais, qui nous touche littéralement, désormais.


Mais l'un des clous du spectacle, sans jeu de mot, reste cependant un tempera sur bois de l'atelier de Botticelli ou de l'artiste lui-même: Noli me tangere. "Ne me touche pas", précation du Christ à Marie-Madeleine, qui se voit, refuser, comme Job, la grâce du toucher.


De ce parcours, l'esprit en sort plus aiguisé, l'air de rien, par le seul regard posé sur les corps rapprochés ou éloignés.

Exposition du Musée du Petit Palais d'Avignon: Su 10/07 au 31/08/2020


lundi 22 juin 2020

La beauté du regret

L'averse avait voilé la cascade de maisonnettes élancées jusqu'au ciel à la manière d'un escalier en limaçon. Les rues grimpaient, toutes grises encore de la brume qui échouait à couvrir pourtant les parfums de tilleuls.



Plusieurs fois, on s'était demandé s'il ne fallait rebrousser chemin, doutant que ces rampes olympiennes puissent mener en quelque lieu. Il a fallu pourtant être poussé par une force subliminale pour persévérer. Il n'y aurait eu le ciel, nous aurions sans doute continué.



Les ateliers d'artistes côtoyaient les palais médiévaux sous la pluie d'été qui gardait jalousement celle que nous désirions. Cordes-sur-Ciel.



Et les mots de Camus, écrits à l'occasion d'une préface d'un ouvrage sur les terres albigeoises, que j'ignorais quand mes pas ont gravi la cité, tournant autour d'un même regret que nous aurons partagé:

"On voyage pendant des années sans trop savoir ce que l'on cherche, on erre dans le bruit, empêtré de désirs ou de repentirs et l'on parvient soudain dans un de ces deux ou trois lieux qui attendent patiemment chacun de nous en ce monde. On y parvient et le coeur enfin se tait, on découvre qu'on est arrivé. Le voyageur qui, de la terrasse de Cordes, regarde la nuit d'été sait ainsi qu'il n'a pas besoin d'aller plus loin et que, s'il le veut, la beauté ici, jour après jour, l'enlèvera à toute solitude. Des voiles légers descendent du ciel de nuit vers les brouillards de la vallée, s'y mêlent un moment, puis coulent plus bas tandis que les fumées de la terre, une à une, montent encore et se dissipent enfin sous les étoiles claires. Le silence devient vaste et léger sur la vieille cité déserte. Tout est possible alors: voici la réconciliation. Et l'on se dit que cette carène, incrustée de vieux et précieux coquillages, s'est échouée tout au bout du monde, à la frontière d'un autre univers, et qu'ici les amants ennemis vont enfin s'étreindre, l'amour et la création s'équilibrer enfin.
L'auteur de ce livre a sans doute entendu cet appel puisqu'il n'est pas allé plus loin. Mais, moi qui, après avoir vécu quelques jours dans ces lieux admirables, n'ai pas eu la sagesse de m'y arrêter plus longtemps, je dois dire au moins que c'est à ce petit livre, tel qu'il est, avec sa passion entière, que je dois la rencontre de Cordes et un des plus beaux regrets de ma vie. Car c'est bien là ce qui fait l'enchantement de Cordes: tout est beau, même le regret."

Photo de Cordes-sur-Ciel, juin 2020:





lundi 15 juin 2020

Machado. Poète du sacrifice

Ils sont trois. Trois poètes que l'Espagne aura tués. "Trois poètes du sacrifice", comme les nommera Rafael Alberti.

Federico Garcia Lorca, exécuté non loin de Grenade, aux abords du ravin de Viznar, le premier d'entre eux. Plus d'un million suivront.

Miguel Hernandez, mort en 1942, à l'infirmerie de la prison d'Alicante. Tuberculose.

Antonio Machado, qui s'éteint en exil, à Collioure, tout près de son Espagne aimée.

Sacrifiés, terrassés par le franquisme.

Avec 500 000 autres réfugiés républicains, le poète est emporté dans le chaos de l'histoire. Le 24 novembre 1936, il doit fuir dans la précipitation Madrid. La cavale traversera les régions arides de la Castille. Puis la région de Valence et la Catalogne. Quelques jours à Barcelone. Sur le qui-vive. Poursuivi. Epuisé. Il traîne avec lui une pneumonie qui le ralentit. Le souffle coupé fuyant sa chère Espagne. Il perdra, voyageur traqué, plusieurs manuscrits sur les routes, au bord des chemins. Des vers, des mots, mais aussi tout le reste. Il se fraie un chemin, cortège maudit, à travers les Pyrénées, à bout de force. Il quitte l'Espagne, il trace son chemin comme un homme creuserait sa tombe...

Voyageur, le chemin
ce sont les traces de tes pas
c'est tout; voyageur
il n'y a pas de chemin,
le chemin se fait en marchant.
Le chemin se fait en marchant
et quand on tourne les yeux en arrière
on voit le sentier que jamais
on ne doit à nouveau fouler.
Voyageur, il n'est pas de chemin,
rien que sillages sur la mer.

Caminante, no hay camino.

Il n'y a plus de chemin. Jamais il ne reverra l'Espagne.

Il arrive enfin à Collioure, sur la côte Vermeille. S'éteignant lentement, loin de tout, si près pourtant, de l'autre côté des montagnes, il loge à l'hôtel Bougnol-Quintana.

26 jours. Il aura tenu 26 jours. Comme privé d'air. La vie s'en est allée de son être en même temps que l'Espagne qui l'habitait. L'agonie des exilés...

Il ne fera qu'une seule  promenade, jusqu'au bord de mer, sans force.



26 jours où tout le village restera au chevet du grand poète espagnol. Jusqu'au 22 février.

On retrouvera dans une poche le dernier vers qu'il aura écrit: "Estos dias azules y este sol de infancia"

Aragon publie en mars 1939: "Le grand poète espagnol Antonio Machado est mort."

"Mais voici que nous sommes frappés d'une façon irréparable: de Collioure la nouvelle arrive. Le plus grand, l'aîné des chanteurs d'Espagne, celui dont le cante jondo venait du plus profond de la péninsule meurtrie, Antonio Machado est mort. Vraiment mort. De cette mort dont on ne ressuscite pas. Il a pu à peine atteindre la terre étrangère, chassé par la force ennemie, il a à peine quitté sa terre natale, que la vie l'a abandonné. Il n'a pas survécu à l'exil. Il n'a pas résisté à cet arrachement. Le poète déraciné s'est éteint dans la nuit française."

Tout le petit village de Collioure, aux premières loges de la  nuit qui s'est abattue. Tout un monde endeuillé.



Aragon, de nouveau, écrira un poème à la mémoire du poète sacrifié.

Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fit lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours.

La petite tombe où il repose est encore fleurie. On y vient déposer coquillages et pierres. Une boîte aux lettres, à côté, reçoit les souvenirs éparpillés de ceux que l'exil a vaincus, d'une certaine manière, fût-il à travers les siècles, par-delà les générations. On vient s'y recueillir. Poètes, exilés, passionnés s'y retrouvent.





J'y ai déposé un timbre que je gardais dans mon porte-feuille. Un timbre pour une lettre, jamais écrite, qui dit, j'imagine, tout ce que je n'aurais su dire.

Caminante, no hay camino.

Aucun chemin, rien que sillages sur la mer...


lundi 4 mai 2020

Mirabilia Urbis Romae

64 après Jésus-Christ. Néron joue de la lyre et se prend pour Homère. En contre-bas, la ville est ravagée par les flammes. On accusera les chrétiens. L'incendie durera une semaine.

Michel-Ange, sur ordre du Pape Jules II, travaille sans relâche aux fresques de la Chapelle Sixtine. Il peint un autoportrait dans la peau dépecée de Saint-Barthélémy, écorché vif.



Joachim du Bellay découvre cette Rome dont il a tant rêvé. Il est confus, quelque chose en lui ne reconnaît pas ses rêves de toujours. Il écrira Les Antiquités de Rome. Le texte est publié  en 1558.

Le Caravage, paria de la bonne société qui l'acclame pourtant, fréquente les tavernes et les lupanars. Une putain lui servira de modèle pour peindre la mort de la Vierge Marie. A la fin de l'année 1606, après une rixe mortelle,  il doit fuir.

1667. Borrimini, homme discret et triste, se donnera la mort à la romaine.Son extraordinaire église faisant à jamais de l'ombre à la fontaine des Quatre-Fleuves du Bernin, lui qui aura été toute sa vie dans la lumière des mondanités.



Fellini, encore un tout jeune homme, insomniaque comme chaque nuit passe chercher Ettore Scola, et les deux hommes roulent jusqu'au petit matin, rencontre putains et marginaux, avec lesquels l'inspiration naît.



1972, après son suicide, les cendres de Montherlant sont répandues clandestinement dans le sable du forum romain.


Pasolini vient tout juste d'achever son Salo ou les 120 journées de Sodome, il erre dans les rues de Rome. A l'aube, il sera retrouvé assassiné sur une plage d'Ostie. Nul ne sera quoi faire de son dernier outrage qui sortira dans les salles le 19 mai 1976


vendredi 1 mai 2020

Après une lecture de Dante

1837. Le pianiste Franz Liszt et son amante Marie d'Agoult partent sur les routes. Ils se perdront dans les brumes, à Côme puis à Bellagio, sur les rives du lac. L'artiste se baigne des arts italiens dont il a toujours rêvé. Et les sommets au large l'impressionnent moins que les fresques à l'intérieur de la cathédrale.



Les deux amants s'aiment. Liszt écrit ses Années de pèlerinage. Leur exil durera plusieurs mois, lors desquels il mettra son âme au diapason de l'eau.


            A Bellagio, un jour de pluie battante, Liszt, face à une statue représentant Dante et Béatrice trouve l'inspiration. Il composera les premières notes de sa Fantasia quasi Sonata intitulée Après une lecture de Dante, reprenant le titre d'un poème de Victor Hugo composé le 6 août 1836 :

Quand le poète peint l’enfer, il peint sa vie :
Sa vie, ombre qui fuit de spectres poursuivie ;
Forêt mystérieuse où ses pas effrayés
S’égarent à tâtons hors des chemins frayés ;
Noir voyage obstrué de rencontres difformes ;
Spirale aux bords douteux, aux profondeurs énormes,
Dont les cercles hideux vont toujours plus avant
Dans une ombre où se meut l’enfer vague et vivant !
Cette rampe se perd dans la brume indécise ;

Au bas de chaque marche une plainte est assise,
Et l’on y voit passer avec un faible bruit
Des grincements de dents blancs dans la sombre nuit.
Là sont les visions, les rêves, les chimères ;
Les yeux que la douleur change en sources amères,
L’amour, couple enlacé, triste, et toujours brûlant,
Qui dans un tourbillon passe une plaie au flanc ;
Dans un coin la vengeance et la faim, sœurs impies,
Sur un crâne rongé côte à côte accroupies ;
Puis la pâle misère au sourire appauvri ;
L’ambition, l’orgueil, de soi-même nourri,
Et la luxure immonde, et l’avarice infâme,
Tous les manteaux de plomb dont peut se charger l’âme !
Plus loin, la lâcheté, la peur, la trahison
Offrant des clefs à vendre et goûtant du poison ;
Et puis, plus bas encore, et tout au fond du gouffre,
Le masque grimaçant de la Haine qui souffre !

Oui, c’est bien là la vie, ô poète inspiré,
Et son chemin brumeux d’obstacles encombré.
Mais, pour que rien n’y manque, en cette route étroite
Vous nous montrez toujours debout à votre droite
Le génie au front calme, aux yeux pleins de rayons,
Le Virgile serein qui dit : Continuons !



            Liszt reviendra bouleversé par les paysages de l'Italie du Nord. Il continuera de travailler, d'écrire, de composer. Il mettra plus de vingt ans à terminer sa Fantasia, qu'il traînera avec lui comme un souvenir de la brume au-dessus des montagnes de Côme.


Saint-Tropez Jazz

 Au Café des Arts, des touristes anglais et allemands s'esclaffent, tonnent, gloussent. J'observais ce joyeux fatras, silencieux. A ...