mardi 26 juin 2018

La mort de Leonardo de Vinci

Amboise, 2 mai 1519, de Vinci se meurt. En pleine nuit, François I est informé. Il se précipite au chevet de l'homme. Affolé. Endeuillé, déjà avant de porter le deuil. Un roi qui accourt à l'agonie d'un simple mortel, d'un seul artiste, c'est sans précédent! La cour est comme en état d'alerte. On lui ouvre les portes du Clos Lucé, quelques gardes l'accompagnent mais bien peu, tant il s'est précipité, et vient s'agenouiller aux pieds du lit. Le mourant à bout de souffle. Serrant ses mains royales sur celles qui ont tant créé. C'est la mort de l'un de ces grands hommes du siècle, dans la stupeur désespérée d'un roi agenouillé devant lequel tous pourtant s'agenouillaient.

Ingres a représenté la scène dans une toile de 1818. Pour saisir dans l'éternité les circonstances d'une mort à laquelle nul n'aurait cependant assisté. Pas même le roi, selon les historiens. Cette image d'un monarque au chevet de l'artiste a été fantasmée par les âges. C'est aussi pour cela que d'une certaine manière elle appartient à l'histoire.

Mais Leonardo n'était pas un simple artiste. François I l'invite au plus près de sa cour. C'est à dos de mule que l'homme, à 62 ans, traverse les Alpes en compagnie de certains de ses disciples. Dans ses bagages, des manuscrits, des plans, des croquis, des idées, des visions, la Joconde, le Saint-Jean Baptiste inachevé, La Vierge, l'Enfant Jésus et saint Anne, l'un de ces œuvres qui ne peuvent jamais tout à fait se finir. Nommé Premier artiste, Premier architecte, Premier ingénieur du roi, il se voit offrir une demeure où créer, penser, méditer. C'est ici, à Amboise, faisant les cent pas dans les jardins du Clos Lucé, ou dans l'ombre de son atelier que de Vinci anticipera le char d'assaut, l'hélicoptère, étudiera comme nul autre le corps, la vie, la beauté, s'intéressera aux utopies, aux forces, au chaos et à l'harmonie. C'est ici qu'il continuera d'être un créateur. Ce qu'il avait toujours été.

Photo de l'atelier reconstitué de l'artiste au Clos Lucé à Amboise:




samedi 9 juin 2018

Bruges-la-Morte est morte

Petit poème à charge contre la Bruges des temps présents

Quel naïf ai-je été? Moi qui imaginais déjà découvrir l'une de ces grandes villes grises dont parlait Georges Rodenbach:
"il marchait sans but, à la dérive, d'un trottoir à l'autre, gagnait des quais proches, longeait le bord de l'eau, arrivait à des places symétriques, attristées d'une plainte d'arbres, s'enfonçait dans l'écheveau infini des rues grises.
Ah! toujours ce gris des rues de Bruges!"

Quel rêveur ai-je été? Moi qui pensais errer dans ces ruelles désertes toutes engourdies de brumes; dans le silence des canaux où le croassement d'un seul colvert fût plus bruyant que le tonnerre. 

Je me figurais une cité inquiétante, contrainte par la rigueur calfeutrée et sombre des béguinages. Je n'y ai vu que trop de clarté. Que trop de monde. La Bruges morte de Rodenbach, hélas, est morte pour de bon.
Elle devait être l'un de ces tombeaux de pierre où au détour d'un désespoir l'on croise une femme en tout point similaire à celle dont on porte le deuil, jusqu'à la lueur qui vacille parfois dans le regard.

Où est-il, le mystère? Le mystère de ces villes où bien qu'égaré on a l'étrange impression d'être au cœur des choses.

Et pourtant, d'une certaine manière j'y étais. J'ai voyagé, dans toute cette lucidité, plus loin encore dans l'ombre. Au sommet du beffroi, au gré d'une alcôve, d'une impasse qui serpente, ou d'une autre, je me suis laissé entraîner: j'ai rêvé de Bruges une nuit d'hiver, désertée, froide, plaintive. J'étais seul. Et elle était là, celle qui n'existe plus. Bruges-la-Morte, mais au fond qu'importe le nom.

Idée de lecture: Rodenbach, Bruges-la-Morte, Garnier-Flammarion

Photo de Bruges, fin avril.


Une Ballade des contradictions

 C'était la fin de l'hiver. Journée pluvieuse, grise. Pour des raisons longues à expliquer, j'étais allé me perdre jusqu'à l...