mardi 26 décembre 2017

Les ténèbres de Lord Byron

C'est un poète déjà un peu maudit qui arrive sur les bords du Lac Léman au printemps 1816, dans le désir de se faire oublier de la société anglaise après quelque petite esclandre politico-sexuelle. Jusqu'en octobre, il entreprend une sorte de pèlerinage aux quatre coins de la Suisse, en compagnie notamment du célèbre poète Percy Shelley.
Mais à la suite de l'éruption volcanique du Tambora, en Indonésie, de l'autre côté du monde, un an auparavant, toute l'Europe est en proie à des bouleversements climatiques. On dira alors de 1816 qu'elle est l'année sans été.
Lord Byron traverse donc le Léman sous un ciel noir comme l'encre, remué par de violents orages et le souffle d'un vent qui donne au lac des impressions d'océan. La nuit se fait constante, on regarde les étoiles en vain, en se demandant pour soi-même ce qu'est devenu le soleil. Quelque chose dans l'air d'une apocalypse. Le poète terminera enfin sa course devant les portes du Château de Chillon, tout près de Montreux, "un bloc de tours posé sur un bloc de rochers" comme dira plus tard Hugo. Bloc de tours, en effet, dans les ténèbres.
Cette nuit en Europe qui dura tant de jours et de nuits inspirera à Byron l'un de ses plus célèbres poèmes, Darkness:

"J'eus un rêve; il ne fut pas pleinement un rêve.
L'éclatant soleil s'était éteint, les étoiles
Erraient obscurcies parmi l'espace éternel,
Sans rayons ni chemins, et la terre glaciale
Aveugle balançait, noire dans l'air sans lune;
L'aube fuit -vint, stérile du moindre jour.
Les hommes laissèrent leurs passions dans l'effroi
De leur désolation, où les cœurs se gelèrent
En une prière égoïste à la lumière."

Idée de lecture: Lord Byron, Poèmes, Allia, 1997, 2012

Photo du Château de Chillon.




jeudi 2 novembre 2017

Un lac plein de fantômes

Là-bas on se contente d'observer. D'observer la brume et au-delà ses montagnes, la lumière aussi dans toute son intimité, et le lac, le lac toujours lui, et les vignobles millénaires et les villages perchés à la corniche de Lavaux, entre Lausanne et Montreux. Là-bas on se contente d'observer. La lumière dans toute sa nudité au balcon de quelque hôtel belle époque, comme sédimenté dans le temps quelque part derrière les Alpes. Et en fin de saison parfois, on se souvient de tous ces spectres qui nous ont précédés, ici et là, venus musarder et lézarder au soleil sur les quais fleuris du Léman:

-Bhumibol Adulyadej, roi de Thaïlande. C'est à la mort de son frère que le jeune roi gère la régence depuis Lausanne où il avait grandi et étudié. En 1950, il quitte la Suisse pour être couronné roi sous le nom de Rama IX. Il a 23 ans.

-Maurice Béjart. le danseur et chorégraphe né à Marseille en 1927 s'installe à Lausanne en 1987. Il y fonde le Béjart Ballet Lausanne et ouvre en 1992 l'école-atelier Rudra Béjart, l'un des plus prestigieuses écoles de danse.

-Hugo Pratt. L'auteur de Corto Maltese s'établit en 1984 à Lausanne.

-Georges Simenon. L'écrivain belge part pour Lausanne en 1950. Il demandera que ses cendres y soient dispersées.

-Coco Chanel. Installée à Lausanne à partir de 1944, elle sera enterrée au cimetière du Bois-de-Vaux.

-Pierre de Coubertin. Le baron fonde à Lausanne le Comité International Olympique (CIO) et s'installe avec sa famille en 1922. La ville deviendra la capitale mondiale de l'olympisme.

-David Bowie. Il quitte les Etats-Unis en 1976 pour trouver domicile sur les hauteurs de Vevey. Il s'installera par la suite dans le château du Signal à Sauvabelin, près de Lausanne.

-Charlie Chaplin. Accusé par les Etats-Unis d'accointances communistes, il s'installera avec sa famille en 1952 à Vevey, au domaine de Ban, devenu aujourd'hui un grand musée en l'honneur de l'artiste.

-Igor Stravinsky. Le compositeur s'installe à Montreux en 1910 dans l'espoir d'un meilleur climat pour la santé fragile de son épouse. Il y compose Le Sacre du Printemps, et déménage à Morges en 1915, le temps d'une guerre mondiale.

-Freddie Mercury. Leader du groupe anglais Queen, il découvre Montreux lors du festival de jazz de 1978. Il dira alors: If you want peace of soul, come to Montreux. Il achètera un studio d'enregistrement qu'il est désormais possible de visiter.

-Lord Byron. Le célèbre poète anglais rendra la région célèbre en publiant son poème Le Prisonnier de Chillon en 1816. De nombreux poètes, comme Victor Hugo, viendront découvrir la région dans son ombre.

-Vladimir Nabokov. Il s'installe au Montreux Palace en 1961.

-Impératice Sissi. Elisabeth d'Autrich fera des séjours réguliers sur la Riviera suisse entre 1893 et 1898, notamment à Territet puis à Caux.

Source: Michelin, Montreux Riviera Guide

Photo de Montreux:



vendredi 13 octobre 2017

Un monde fou, fou, fou!

Il faut en convenir: notre terre ne tourne plus très rond. Bref, c'est le bordel, et je ne dis là rien de nouveau. Chaque matin, on se réveille, las, désabusé, la gorge serrée, la boule au ventre parfois, anxieux à l'idée de reprendre en plein vol le bruit de fond du monde, ce continuum que l'on a laissé le temps d'une nuit, tout aussi las, désabusé, la gorgé serrée, la boule au ventre parfois. Fatigué du monde deux fois par jour, horrifié, amusé comme on peut l'être d'une farce grotesque. Deux fois par jour, disais-je: quand on le quitte pour dormir et quand on le retrouve le lendemain, en marmonnant dans sa barbe, pour soi-même: quel bordel...

-Bon, déjà, le président de la nation la plus puissante du monde est un enfant milliardaire, mégalomane, narcissique, colérique et déjanté. A moins d'être un génie qui ne dit pas son nom, les experts s'accordent à dire qu'en plus il serait idiot. Tout simplement. Mais, c'est lui le boss, alors voilà!

-Le tyran à la tête d'une nation enfermée sur elle-même, à ce jour la plus dangereuse de notre temps, est lui aussi un enfant; un enfant à qui on a laissé jouer avec quelques missiles nucléaires et autres bombes hydrogènes, à ce qu'il paraît, du moins... Et après tout, qui sommes-nous, nous, pour juger l'éducation de l'enfant d'un autre? Si, au moins, il ne nous envoyait pas au-dessus du crâne ses jouets comme de vulgaires avions en papier! Mais là encore, c'est lui le boss. Petite précision: le président précédemment cité le surnomme Rocket Man. Little Rocket Man sans que l'on sache s'il s'agit là d'une marque d'affection. Les experts hésitent.

-Un fou furieux est à la tête d'une nation millénaire que sa politique a ravagée. Villes dévastées, populations massacrées, le pays tout entier en morceaux. On a dit qu'il ne tiendrait pas, que la guerre qu'il a menée contre son propre peuple aurait à la longue raison de lui. Et la pression des rebelles, de la sacro-sainte communauté internationale ferait en sorte que... Balivernes! On répétait qu'un coq dont on a coupé la tête bondit ici et là avant de mourir pour de bon, c'est ce que l'on a dit! Balivernes, encore une fois! Tout est parti en couilles, les médias ont fini par s'en lasser et ont détourné leur attention... Bref, à ma connaissance, il est toujours au pouvoir...

-Notre président à nous était absolument inconnu il y a moins de deux ans. Il a dit: je serais président, vous verrez, on a tous ri. Ben, ça y est, il est président!

-La médecine fait des progrès extraordinaires chaque jour: greffes, opérations à cœur ouvert et nano-chirurgie sont devenues monnaie courante, et j'en passe. Mais voilà que l'on s'enrhume et aucun médecin peut nous dire autre chose que:"Monsieur, il faut prendre votre mal en patience." Et on se shoote au Fervex, que faire d'autre?

-Plus personne ne semble savoir communiquer ni même sympathiser avec qui que ce soit. Heureusement on sait tous tweeter et partager la dernière vidéo d'un chat qui chute. Les amis? On les ajoute ou on les supprime. C'est bien plus pratique!

-On a exhumé Dali et on a fait un test de paternité à partir de sa moustache (what else?) parce qu'une imbécile heureuse a prétendu être sa fille. Ben, en fait non, et on l'a remis en terre. Dali, je veux dire, pas la nana... Ni vu ni connu.

-La Grande-Bretagne a quitté l'Union Européenne. On a tous dit: ils ne vont pas oser... Ben si.

-La Catalogne a déclaré son indépendance dernièrement, avant de la suspendre pour favoriser le dialogue avec Madrid. Madrid leur a répondu:"Vous êtes indépendants, oui ou merde?" Le monde entier attend, dans la confusion, leur réponse.

-Des fous égorgent les passants dans nos villes, prennent un camion et foncent dans la foule, se font exploser ici et là. Et même à la terrasse d'un café, on peut se retrouver cribler de balles.

-On nous apprend tous les jours qu'un nouvel aliment est cancérigène et combien tel ou tel produit vaporisé sur nos fruits et légumes est toxique. Ne pas en manger tue, en manger aussi, apparemment. Les médicaments qui doivent nous guérir s'avèrent "selon une toute dernière étude" hautement nocifs; leurs effets ressemblent parfois à une mauvaise blague: certains devenaient même aveugles, alors ça faisait des histoires. On se demande comment on parvient encore à rester vivant.

-Des mouvements féministes commencent à parler de l'écriture inclusive et d'autres inepties en faveur d'une égalité totale des sexes sans comprendre que la langue française a d'autres chats à fouetter que de se voir infliger une typographie au bord du non-sens. Et ces mêmes mouvements, toujours dans un désir d'égalité, cela semble évident, trouve logique d'afficher dans le métro de quelques grandes villes des panneaux rappelant à l'ordre les hommes négligents qui pourraient s'asseoir en écartant grossièrement les jambes, mettant dans l'inconfort la femme (car la victime est nécessairement une femme, dans ce cas précis, c'est évident) qui est assise sur le siège voisin. Il est tout à fait indiscutable là encore qu'il n'y a que les hommes pour s'asseoir de la sorte, sans prendre en considération la présence d'autrui... Ben oui, ce sont des hommes, enfin, ils ont le monopole des incivilités, c'est bien connu! Sous prétexte d'abolir les discriminations de genres, contre lesquelles il faut absolument lutter bien sûr, certains mouvements qui manquent clairement de discernement ne font que perpétuer la guerre des sexes!

-Enfin, on se rend compte que la littérature n'appartient plus à ceux qui lui ont voué allégeance, ce qui est regrettable; que les médias aussi sont, -depuis le temps qu'ils y aspiraient, ils doivent être ravis-, enfin le véritable pouvoir de nos démocraties. On a remplacé Dieu par des divinités toutes-puissantes: Facebook, Google et les autres. Nous nous sommes créé nos propres dictatures, nous participons nous-mêmes à l'atrophie de nos consciences. Facebook a déjà censuré sur ses pages L'Origine du monde de Courbet ou encore une photo de la fontaine du Neptune d'Ammannati. Ben oui, les statues baroques sont nues, celle-ci l'est particulièrement en plus! L'art, Facebook ne sait pas ce que c'est. Il arrive aussi que Google ait l'amabilité de nous mettre en garde: "Attention, tout le monde peut voir ce que vous faites en ligne". Heureusement qu'il est là, n'est-ce pas? Oui, mais non. Comme par provocation, un petit encart s'ouvre parfois: "Google aimerait connaître votre position". Ben voyons, c'était trop beau! C'est bien le souci, on décide d'entrer dans nos cerveaux et on nous les suce jusqu'au bout!

Bref, un monde fou, fou, fou, c'est certain. Terrifiant et drôle à la fois. Et encore s'il n'y avait que cela! A dormir debout, à nous donner des cauchemars!

Photo prise au musée Dali de Figueres:




dimanche 17 septembre 2017

Le Concile Cadavérique

Imaginons un peu la scène : le pape Etienne VI envoie ses hommes déterrer son prédécesseur, l'illustre Formose, qui somme toute a fait la seule erreur de conférer la couronne impériale de l'empire de Charlemagne à un Carolingien, roi de Germanie, et non un puissant de la famille des Spolètes, comme l'aurait voulu en effet Etienne VI, -disons, pour faire court: mauvais choix politique!- dans le but de juger et condamner le pauvre Formose, du moins son cadavre, de ses prises de position passées. Du temps où il était en vie, donc.

Etienne VI, mort ou vif, cela lui était égale. Il fait donc déterrer l'ancien pape. Et s'ouvre ce que l'on appelle pour l'histoire Le Concile Cadavérique. Formose en décomposition avancée se voit attribué un clerc pour répondre à sa place à ses accusateurs. On le dénigre, on le calomnie. Le pauvre clerc qui n'a aucun intérêt à trop défendre l'accusé post-mortem en fait le moins possible. Et bien sûr ce qui devait arriver arriva, la pauvre momie fut jugée coupable. En même temps, comme dirait l'autre, Etienne VI ne l'a pas déterrée pour qu'elle soit innocentée. Cela aurait été contre-productif.

Dans le détail, on en sait peu, car tous les actes du procès seront brûlés.

Par la suite donc, toutes les décisions prises du vivant de Formose sont abrogées et le pauvre pape défunt est jugé illégitime. On dépouille la dépouille des insignes pontificaux avec lesquels elle avait été enterrée, on en profite pour amputer les doigts du mort qui lui servaient à bénir. Un travail vite fait bien fait. On exhume Formose une seconde fois, puis Etienne VI trouve que c'est déjà lui accorder trop d'honneur, donc on le déterre encore et on le jette dans le Tibre.

Après cette profanation, Etienne VI subira la colère du peuple de Rome qui finira par le lyncher. Et la momie sera récupérée par de saints pêcheurs, et on lui organisa des funérailles solennelles.

Une année plus tard, voulant apprendre de ses erreurs passées, l'Eglise, en toute logique, stipulera l'interdiction stricte d'intenter un procès à un défunt... Toute une année après quand même!

Source. Dinosoria.


Photo prise au petit palais de Paris. Jean-Paul Laurens, Le Pape Formose et Etienne VI, (1870)


vendredi 8 septembre 2017

Sur les pas de "Papa" Hemingway

Ambulancier sur le front italien lors de la Première Guerre Mondiale au cours de laquelle il sera gravement blessé, soldat des Brigades Internationales pendant la guerre civile espagnole, aux côtés notamment de John Dos Passos, écrivain, bien sûr, de la génération perdue dans le Paris des années folles, avec Fitzgerald, Gertrud Strein ou encore Ezra Pound, Ernest Hemingway n'aura eu de cesse en effet de parcourir l'histoire de notre vingtième siècle et de laisser, là où ses pas l'ont porté, une empreinte que nous nous proposons alors de suivre. Petit tour d'horizon dans le souvenir de « Papa » Hemingway.

Stresa. Italie : en convalescence, à la suite de sa blessure lors des combats sur le font italien, Hemingway découvre le Lac Majeur. C'est au lendemain du conflit qu'il séjournera au Grand Hôtel des îles Borromées, un magnifique palace de la Belle Epoque, où il écrira l'un de ses grands textes, L'Adieu aux armes. (Source. Le Figaro)

Tanger. Maroc : comme Pierre Loti, Delacroix, Samuel Beckett, Truman Capote, Paul Morand, les Beattles, Paul Bowles ou William Burroughs, Ernest Hemingway est venu, pour y siroter un thé à la menthe, au café Haffa, célèbre institution de Tanger, où la terrasse en escalier domine, tout à l'ombre des pins parasols, la Méditerranée et la lumière sur le détroit de Gibraltar. (Source. L'Humanité)

Valence. Espagne : C'est en compagnie d'Orson Welles qu'Hemingway, lors de son séjour espagnol, entre une corrida et une paëlla, allait au cinéma Metropol de Valence. (Source. Visitvalencia)

Paris. France : On sait combien l'écrivain était attaché à la ville des lumières, et nombreux sont les restaurants et les cafés, aujourd'hui encore, qui rappellent le passage d'Hemingway, mais c'est sans doute la fameuse librairie Shakespeare and Coe, 12 rue de l'Odéon, qui lui était la plus chère. Librairie créée en 1919, spécialisée en littérature anglo-saxonne, c'est ici qu'il découvrira Tolstoï, Tourgueniev, Joyce, D. H. Lawrence, Stendhal et Flaubert, enfin, sur les conseils de Pound.

Barcelone. Espagne : Dans le quartier canaille del Raval, c'est au Bar Marsella qu'Hemingway, Dali et Picasso venaient en soirée boire leur verre d'absinthe qui a fait la réputation de cette institution, là encore, de Barcelone. Les bouteilles des clients d'un siècle passé, alignées le long des murs défraîchis, le souvenir d'une époque bohème où la ville avait encore ce je-ne-sais-quoi d'inquiétant confèrent au lieu un charme suranné d'éternité. (Source. BonspansdeBarcelone)

Venise. Italie : Dans Au-delà du fleuve et sous les arbres, Hemingway raconte son voyage à Venise, étape incontournable du Grand Tour européen que nombre d'artistes et d’intellectuels, déjà du temps de Goethe, accomplissaient. A l'angle de la Calle delle Ostreghe, la Chiesa di Santa Maria del Giglio, Sainte Marie du Lys à la façade baroque spectaculaire, ne manquait pas d'impressioner Hemingway qui la comparait à une avion de chasse P-47, « belle construction compacte, prête à s'envoler. » (Source. Le Figaro)

La Havane. Cuba : Entre 1932 et 1939, c'est à Ambos Mundos, dans la chambre 551, qu'Hemingway logeait lorsqu'il se rendait à La Havane, petit hôtel modeste de quatre étages datant de 1924, entre las calles Obispo et Mercaderes. (Source. Atlantico)


Photo du Bar Marsella de Barcelone.


dimanche 27 août 2017

Le Vésuve, dernier dieu antique

Nul autre que le peuple napolitain n'est aussi familier à l'idée de la mort. Ils vivent tous, courent, lézardent au soleil, vendent et dépensent au plus près de son souffle, dans le périmètre défini de son ombre. Cette ombre au-dessus de la foule bruyante est celle du Vésuve, le dernier dieu antique auquel les hommes croient encore. Ils en ont fait des idoles, des images sacrées; ils parlent de sa fureur en chuchotant, fascinés par sa puissance. Ils le gravissent quelques fois de la même manière qu'ils feraient un pèlerinage. Ils connaissent depuis des millénaires la violence dont il est capable mais n'ont jamais hésité à habiter ses flancs dans l'espoir que le dieu Vésuve ne grondera pas dans cette vie mais dans une autre. A la nuit tombée, il disparaîtrait dans l'ombre si les lueurs des hommes qui scintillent comme les torches de quelque Vestale ne laissaient apparaître en retour sa gigantesque silhouette. Tous redoutent l'instant où il élèvera la voix, déçus pourtant qu'il demeure muet depuis tant d'années. Le matin, la baie de Naples est écrasée de lumière, de cette lumière que l'on retrouve dans les récits d'Homère, de cette lumière si blanche, si grande que nul ne peut, du bord de mer, regarder le Vésuve droit dans les yeux, devenu, avec les îles qui le bordent, une gorgone évanescente désormais, voilée derrière cette immense masse bleutée que le soleil et la mer font naître ensemble dans la fumée du port de Naples.

Le Vésuve est le dernier des dieux antiques.

A ses pieds, les hommes font l'expérience de leur mortalité, de leur misère. La mort peut arriver prochainement, non pas demain mais bien dans l'après-midi, comme disait Proust. Et c'est de cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête que les Napolitains sont devenus ce qu'ils sont. Exubérants, exacerbés, passionnés. Rares sont les peuples qui jouissent d'autant de vie. Simplement parce qu'ils savent la mort tout près.
Tout, là-bas, est plus baroque qu'ailleurs simplement parce que le Vésuve regarde et qu'aucun d'entre nous ne peut tout à fait soutenir son regard.


lundi 24 juillet 2017

Tout en haut du mont Saint-Clair

Face à soi, le galbe du mont Saint-Clair; entre les étangs et la mer, la route sillonne le lido languedocien. Toutes fenêtres ouvertes, l'air chaud qui siffle dans les oreilles et le chant des cigales qui fait trembler l'air.
Au-delà de la montagne, l'impression de vide. Encore une fois, donc, une ville au bout du monde. Déjà au loin, on entend Sète s'étirer aux aurores, remuer lentement: les ponts s'élèvent, les bateaux passent. Le grand canal écrasé sous le soleil du Midi.

Là-bas, quelque part entre Saint-Clair, Frontignan ou Palavas-les-Flots, tout semble plus vrai. Les couleurs et les odeurs plus nombreuses. Surtout, c'est une région où le vent a encore quelque chose à dire.

Et on commence à se perdre dans les ruelles en pente, et la mer apparaît lentement. Le soleil, toujours lui, ne se contente plus de briller; maintenant, il cogne. Et l'immense masse bleutée au pied de Saint-Clair renvoie à la lumière la lumière.

Au détour de quelque hauteur, le cimetière marin, enfin. Les morts ne gisent pas seulement, ils observent, ils contemplent. Ils ont pour l'éternité l'horizon jamais arrêté et la mer, la mer, toujours recommencée. L'enfant du pays s'y repose aussi, murmurant à la Méditerranée se prélassant ces quelques vers que le vent reprend et répète:

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée!
O récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux!

Le Cimetière Marin. Paul Valéry

Photo du cimetière marin de Sète:


dimanche 23 juillet 2017

Quelques raisons évidentes d'avoir toujours sur soi un bouquin

On ne le dira jamais assez: ayons toujours sur soi un livre, un bon livre, quoique même un mauvais, autant de livres que notre veste possède de poches, dans la mesure, bien sûr, où le livre entre dans la dite poche.

-Au cas où l'on pourrait nous tirer dessus, à bout portant, si le livre est assez épais, miracle, le coup de feu sera amorti, et notre vie épargnée. La littérature sauve. Littéralement.
-En cas d'attaque soudaine, le livre peut servir de projectile. Visez bien. Sinon, en faire un instrument contondant.
-Caler une table bringuebalante.
-Les jours de grande chaleur, s'éventer.
-Les jours de grand froid, en manque de bois à jeter dans la cheminée, le livre est un très bon combustible. Perdu dans une forêt, seul, déchirez les pages de vos livres de poche et allumez un feu de bois.
-De nombreux livres sur vous, brûlez-les sur la place publique de votre village. Rien de tel qu'un petit autodafé pour égayer la soirée.
-A l'usage des gens légers: s'alourdir en cas de fortes rafales pour ne pas s'envoler au gré du vent.
-A l'usage des gens petits: empiler quelques livres pour se rehausser en gardant des appuis stables.
-A l'usage des gens fatigués: construire un petit tabouret en livres, sur lequel s'asseoir confortablement, comme s'il s'agissait d'une construction en Kapla.
-Si l'on a besoin d'un essuie-tout et que l'urgence de la situation (un verre d'eau renversé sur la nappe par exemple) requiert de votre part de bons réflexes, déchirez une page ou deux de votre livre (de préférence des pages déjà lues) et épongez.
-Besoin d'un post-it, d'un pense-bête, d'un marque-page? Déchirez-en une que vous avez déjà lue. On ne le répétera jamais assez.
-Petite précision: si on a un  impérieux besoin d'écrire, on peut en effet déchirer une page et se servir de l'espace blanc des marges, qui sont justement faites pour ça. Et il n'est pas même nécessaire que cela ait un rapport avec le contenu du texte à côté duquel vous écrivez (ce qui est très pratique).
-Se rouler une cigarette. Un joint pourquoi pas?
-Si vous êtes à court de papier toilette... Eh bien, vous savez quoi faire maintenant...
-Si vous avez une grande quantité de livres sur vous, vous pouvez toujours vous construire un petit igloo, si vous êtes évidemment à court de maison, ça peut arriver. La première étape consiste généralement à se construire une petite porte de bouquins. (Comme sur la photo ci-dessous.)
-Paraître intelligent dans les transports en commun; sortez la Critique de la Raison pure ou je ne sais quel autre ouvrage de Kant, que vous n'avez jamais lu mais que vous gardez toujours sur vous. Faite semblant de lire le livre avec un air grave et concerné. Si possible, soulignez quelques passages au hasard.
-Ah, et oui, j'oubliais: avec un livre sur soi, on peut aussi, et simplement, le lire. Le lire pour de vrai! Lire en marchant, ou marcher en lisant, au choix. Ce qui est un gain de temps considérable, il faut l'avouer. Mais à vos risques et périls.

Photo de la devanture de la librairie lyonnaise, Le Bal des Ardents.




samedi 8 juillet 2017

Un parfum de Venise

On aura constaté assurément que Venise a prêté son nom à un certain nombre d'autres villes partout dans le monde, tant que l'on y trouve quelques canaux ici et là qui facilitent, pour les esprits les plus souples et riches d'imagination, une lointaine ressemblance avec la Cité des Doges.
455 ponts, 118 îles, 123 églises, et le reste, tout le reste. Et pourtant tant d'autres villes ou villages qui prétendent se mesurer à la Sérénissime. En fin de compte, il n'y a bien que Venise que l'on ne surnomme plus La Venise de ci ou la petite Venise de là. On pourrait, je vous l'accorde, lui trouver un nouveau sobriquet qui lui irait comme un gant; je ne sais pas, le Crécy-la-Chapelle de l'Italie ou encore la Stockholm de l'Adriatique, mais non. Toutes veulent avoir un petit quelque chose de Venise, quitte à s'emporter quelques fois! Venise, on a beau dire ceci ou cela, n'a pas d'équivalent, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé.
Petit état des lieux rapide, donc, des Venise du monde entier.

En France:

-Martigues, la Venise provençale.
-L'Isle-sur-la-Sorgue, la Venise comtadine.
-Salies-de-Béarn, la Venise béarnaise.
-Sète, la Venise languedocienne.
-Palavas-les-Flots, la petite Venise du Languedoc.
-Coulommiers, la petite Venise de la Brie.
-Goudargues, la Venise gardoise.
-Montargis, la Venise du Gâtinais.
-Ornans, la petite Venise comtoise.
-Brantôme, la Venise du Périgord.
-Crécy-la-Chapelle, la Venise briarde.
-Niort, la Venise verte.
-Pont-Audemer, la Venise normande.
-Amiens, la petite Venise du Nord.

-Coulon, la Venise verte.
-Annecy : La Venise des Alpes ou parfois la Venise savoyarde.
-Colmar : La petite Venise ou la Venise alsacienne.
-Pont-Audemer, la Venise normande.
-La Ferté-Bernard, la Venise de l'Ouest.
-Nantes, la Venise de l'Ouest.
-Port-Grimaud : La Venise du Sud.

En Europe:

Saint-Pétersbourg, la Venise de la Baltique ou la Venise du Nord
Ne pas confondre avec toutes les autres Venise du Nord!
Bruges, Amsterdam, Hambourg!
Stockholm, la Venise suédoise.
Birmingham, la Venise anglaise.
Aveiro, la Venise du Portugal.
Wroclaw, la Venise polonaise.
Ljubljana, la Venise de l'Est.
Sienne, la Venise sans eau. (Alors là, ils font fort, pas d'eau, pas de canaux ni de ponts, mais quand même un parfum de Venise qui persiste!)

Puis ailleurs:

Bankgok, la Venise d'Asie.
Suzhou, la Venise chinoise.
Osaka, la Venise de l'Orient.
Srinagar, la Venise de l'Inde.
Ganvié, la Venise africaine.
Mopti, la Venise malienne.
Fort Lauderdale, la Venise américaine.
San Antonio, la petite Venise du Texas.
Récife, la Venise du Brésil.
Mexcaltitan, la Venise mexicaine.
Tenochtitlan, la Venise du Nouveau Monde. (Et là, la ville n'existe tout simplement plus, alors bon, pour la comparer à Venise, c'est discutable!)

A cette liste, s'ajoutent toutes celles que j'ai pu oublier et celles que je ne connais pas! Quant à dire si elles ont toutes un parfum de Venise, je vous laisse juges.

Sources: Lonely Planet, Wikipédia, Easyvoyage.

Photo de la Basilique San Giorgio Maggiore à Venise:



vendredi 23 juin 2017

Un hôtel plein de fantômes

"Il est cinq heures, Paris s'éveille", chantait Dutronc. Quoiqu'il n'est pas tout à fait cinq heures, mais il est presque huit heures et les boulangeries de Saint-Germain-des-Prés sortent du four leurs croissants et leurs pains au chocolat encore chauds, les terrasses ont poussé pendant la nuit comme des fleurs dans un champ, l'eau ruisselle dans le caniveau, doucement, la même rumeur sourde des matins, le primeur à l'angle colore ses étales des fruits de l'été qui pointe, oui, Paris s'éveille. Je bois un petit café au Bar du Marché (Drink and Food depuis 1922) et face à moi, au croisement de la rue de Seine et de la rue de Buci, l'Hôtel La Louisiane semble me regarder.

Îlot oublié en plein cœur de Saint-Germain, il a gardé depuis tant de temps son propre battement, indifférent aux affres de l'histoire, dans un angle mort du temps, encore une fois. Il a vu passer les existences passagères de ses clients pour une nuit ou pour une vie. Son héritage est désormais un secret que les habitants du quartier se chuchote parfois, les matins comme celui-ci où la ville s'apprête pour la journée en frémissant, encore engourdie de sommeil.

Un hôtel vieilli, perdu quelque part dans les années 1940, où règne une atmosphère étrange presque de la même manière que s'il était habité par des spectres passés, eux aussi fatigués mais qui veillent désormais sur ceux qui empruntent leur chambre. Pour une nuit ou pour une vie. La moquette épaisse et rouge, le parquet en-dessous qui grince, le lit (de ma chambre en tout cas, la 23) qui couine à chaque mouvement. Une ruine si attachante qui rappelle l'impression âcre et douce d'un retour chez soi après des années au cours desquelles on a cru fuir l'odeur étouffée des souvenirs qui avait pourtant imprégné notre être.

Un labyrinthe de couloirs étroits qui bordent, on le comprend une fois dans sa chambre, une cour intérieure pour les aérations, mais qui laissent, quand on les arpente, un effet de claustrophobie atténué par une impression plus étrange encore d'errer dans les marges de l'hôtel, dans ses périphéries comme s'il renfermait en son centre quelque chose d'inaccessible. Une âme? Pourquoi pas?

Un hôtel peuplé, c'est certain, d'âmes illustres. D'abord le refuge des jazzmen, (d'où le nom de l'hôtel qui, d'après la légende, lui aurait été donné par Louis Armstrong); il est pris d'assaut dans les années 1960 par l’effervescence intellectuelle de Saint-Germain-des-Prés, et depuis conserve son esprit libertaire et artistique. Chaotique et vivant, pour les familles, les oiseaux de nuit et les autres. Sartre, Louis Malle. Beauvoir y a écrit Le Deuxième Sexe. Truffaut, Godard, Bertolucci, Barbet Schroeder y tourne son premier film, Bertrand Tavernier Autour de Minuit. La chambre 10 a vu passer Miles Davis, Juliette Gréco, plus tard Leos Carax. Tarantino y a écrit le scénario de Pulp Fiction, et certains racontent même l'avoir vu une nuit de novembre, alors à Paris pour la promotion de Kill Bill, errer dans les couloirs psychédéliques de l'hôtel ivre et vêtu, paraît-il, de la combinaison jaune que porte Uma Thurman dans le film. (Cf., Première Magazine. Mai-juin 2017)

Et Albert Cossery bien sûr, le Voltaire du Nil, a emménagé dans la chambre 78 pour reproduire ici, à Saint-Germain, un art de vivre tout oriental qu'il tirait de ses racines égyptiennes. Dandy, d'une bonté et d'une douceur remarquables, qui a hanté les lieux, dans un dénuement presque total (il possédait tout de même une petite télé dans sa chambre d'hôtel), dans une sagesse constante, à la terrasse du Café de Flore les matins de printemps pour voir les passants qui passent et la ville s'étirant à l'aube comme un chat qui se réveille. Immense écrivain qu'il faut relire, ou découvrir, résident éternel de La Louisiane jusqu'à la veille de ses cent ans.

Ici, on peut vivre hors du temps en effet. Une nuit ou une vie. Créer, aimer, penser, jouir, sentir, ressentir, méditer. Ou voir simplement ce qu'il en est de notre vie intérieure.

Idée de lecture: Mendiants et Orgueilleux d'Albert Cossery (Editions Joelle Losfelfd, 1993)

Photo de l'hôtel de La Louisiane, prise de la terrasse du Bar du Marché.









dimanche 4 juin 2017

La ville au bout du monde

Du temps des colonies et des comptoirs, à l'époque où Arthur Rimbaud n'était plus poète mais trafiquant d'armes dans les profondeurs de l'Afrique, où enfin il lui a pris de se laisser mourir à l'hospice de la Conception, on disait que Marseille était une ville de passage, une ville que l'on traverse pour aller d'un monde à un autre, où l'on n'est plus tout à fait ici mais déjà là-bas, au loin. Or, qu'en est-il quand on se rend à Marseille pour elle-même et non pour un ailleurs vers lequel elle s'étire, eh bien, voilà: on a enfin l'impression d'être précisément au bout du monde.
Marseille, c'est précisément ceci: des confins tout près de chez nous. C'est l'Orient, sa douceur et sa violence, l'autre côté du globe, exaltant, déroutant. Et c'est pour cela qu'elle est si belle. Combien ici, non pas des poissonneries que l'on pourrait attendre en effet dans une ville portuaire, -et quelle ville portuaire!- mais des restaurants japonais, syriens et pakistanais? Combien de teterias, comme on dit à Grenade, et autres tavernes, qui ressemblent à nos bars PMU et à nos cafés, mais qui sont en vérité des kafenia comme ceux qui peuplent les rues de Grèce, de Turquie et encore au-delà.
Bien sûr, Albert Londres disait que sur la Canebière, les chiens ne sont pas même des tigres. Et il est vrai aussi que l'architecture haussmanienne est passée ici et là, et qu'il n'y pas non plus de charmeurs de serpents ni de dresseurs d'ours, mais Marseille a son lot de saltimbanques et d'artistes de rues, ces vendeurs à la sauvette, ces oisifs qui travaillent plus que partout ailleurs et ces travailleurs qui prennent quand même le temps de vivre. Le si bel Orient commence ici, de ce côté-là de la Méditerranée.

"Je vous ferai connaître toutes les femmes, celles dont le voile prend au-dessous des yeux, celles au voile blanc, celles au voile noir; celles au bambou coupant leur front. En kimono, en pagne, drapées ou culottées. Vous sentirez se poser sur vous des regards dont vous n'avez encore nulle idée. Il y en aura de brûlants, de tranchants, d'insistants, de royaux, d'indéchiffrables. Vous verrez des femmes qui, lorsqu'elles marchent, font le bruit d'une vitrine de joaillier qui s'écroule, tellement elles sont, ces créatures, couvertes d'or, d'argent, d'ambre, d'ivoire et de verroteries." (Marseille, Porte du Sud, Albert Londres, Paris, Arléa, 2008)

Il y a le vent chargé de sable et de sel. On sent ici l'été plus qu'ailleurs, et je ne vais pas me risquer à parler de la lumière parce que l'on n'en finirait plus. Les mâts des voiliers qui dorment sur le vieux-port rappellent aussi les phalanges d'Alexandre dans sa course effrénée vers un versant du monde si éloigné du nôtre. Même le MUCEM, réussite incontestable de ces dernières années; se cache derrière un moucharabieh de béton, à la manière de ces belles d'Orient se prélassant dans leur gynécée, c'est dire!

On y vend des épices du monde entier, des dattes, des fruits exotiques et des fruits secs. Le souk d'ici est extraordinaire. Il s'appelle simplement le Marché des Capucins. On y boit le café tous les matins, sur les quais, devant Notre-Dame de la Garde qui veille sur la ville, les pêcheurs qui vendent à la criée leurs prises, mais détrompez-vous, ce café de là ou d'ailleurs, du Brésil ou d'Arabie, que l'on boit ici a fait le tour du monde avant d'être servi dans notre petite tasse. Lisez encore Albert Londres, il le disait déjà!

C'est comme ça, Marseille, un Orient provençal. Marseille, c'est un peu Téhéran, Beyrouth, Oran, Alger, Tunis, Tanger, Casablanca. C'est surtout Marseille. Une magnifique ruine sur laquelle le temps n'a plus d'emprise. Ah, elle est si proche de celle qu'elle a toujours été! Une magnifique ruine en effet comme il y a en tant en Italie là où demeurent les vestiges de son histoire, quand l'Italie, c'était justement cet empire gigantesque qui allait se fondre en Orient. Un souvenir passionné sur lequel on a peint à foison, de la même manière que l'on taguait jadis les rues de Rome. Allez errer sans but autour du Cours Julien, vous comprendrez!
Car Marseille est une ville authentique, vivante, généreuse, grouillante, conviviale si on prend la peine de l'accepter telle qu'elle. Inquiétante parfois, fascinante toujours, comme le sont souvent les villes portuaires: Gênes, Naples, Barcelone lui ressemblent mais Marseille est unique.
Parfois si l'on veut bien s'y perdre, elle nous donne la chance de nous découvrir, c'est ce qui arrive dans ces régions lointaines dont nous, Occidentaux, faute de comprendre, nous nous plaisons au moins à rêver.

"Faites le voyage de Marseille, jeunes gens de France; vous irez voire le phare. Il vous montrera un grand chemin que, sans doute, vous ne soupçonnez pas, et peut-être alors comprendrez-vous?"

Bonne adresse: Restaurant Le Moyen-Orient. 20 rue de la Paix-Marcel Paul, 13001 Marseille
                          + Le meilleur couscous est assurément à Marseille
                          + Le servie irréprochable
                          + L'accueil chaleureux
                          + Le thé à la menthe délicieux
                          + Les prix alléchants

Photos prise sur la terrasse du MUCEM




lundi 29 mai 2017

Dans les lézardes du temps

C'est ainsi qu'il nous faut commencer. Toujours. Là, dans l'interstice, dans les plis et les crevés. Dans les lézardes du temps. Là où l'on peut encore respirer, où l'on peut encore souffler.
Nous bavarderons, nous nous étonnerons, nous nous passionnerons. Enthousiastes, ivres, mais aussi critiques. A propos de tout et de rien. De presque rien, mais parfois de l'essentiel. Quelques bagatelles, et encore, que nous nommons par facilités de langage: de l'art. Nous prendrons donc le temps d'aller ici et là, au gré de nos humeurs. Car aujourd'hui c'est devenu un grand luxe que d'avoir un peu de temps à perdre. Et pourtant, quel plaisir! C'est souvent dans ce temps perdu que l'on gagne le plus.
Il s'agit parfois de voyager. Seulement. De découvrir, d'apprendre. De lire un peu, dans le coin d'une chambre. D'apprécier ceci ou cela. Littérature, cinéma, musique, coups de foudre, coups de cœur et de gueule, grains de sel, grains de beauté, beaux-arts, musées, expositions, culture, idées, pensées, billets d'humeur de toute sorte. Il s'agit aussi de se reposer un peu de la vitesse des choses. Du rythme quotidien. Du bruit. Des cris. De rentrer un peu au-dedans de nous-même. Simplement. Voir ce qu'il en est de nos vies intérieures. Et après tout, pourquoi pas? 
Curiosités, plaisirs et envies partagés. Chacun peut musarder à sa guise. S'arrêter à la lecture d'un extrait, d'une pensée en mouvement, parfois aussi immobile, dans l'attente qu'un lecteur prenne le relais. S'enthousiasmer à son tour évidemment, ou pas. 
Il s'agit de partager, de s'irriter, de défendre ce que l'on aime, même quand on aime sans raison.. Et pourtant parfois se laisser saisir dans l'instant, ou dans le désir d'être un autre, d'être ailleurs. Et puis le reste. Ce n'est d'ailleurs pas tout à fait un blog, mais d'abord une agora dans l'espace réduit d'une page numérique. Arrêtons-nous un temps de courir. Ouvrons les yeux en grand, "c'est de l'autre côté de la vie" disait Céline en exergue du Voyage au bout de la nuit. Cet autre côté de la vie, c'est assurément déjà un peu cette vitesse des choses, dans les lézardes du temps. Reposons-nous donc de la vitesse des choses, reposons-nous aussi au sein même de la vitesse des choses. Savourons, lisons, aimons, mais aussi détestons et rageons! C'est notre droit mais aussi un devoir.

"Il est un instant où, sans qu'on le sache, tout acquiert une même impulsion, une même harmonie et un son incomparable et précis. Le son de la vitesse des choses est celui que Dieu produit quand il respire si loin de nous. On le retrouve un peu dans la seconde où les marées changent ou dans le craquement du premier flocon de neige se détachant des cieux." (La Vitesse des choses, Rodrigo Fresan, Passage du Nord-Ouest, 2008)

D'ailleurs, ceci n'est pas le premier billet de ce blog. Seulement une prise d'élan.

Photo prise au Musée Jean Cocteau de Menton.


    
                                                

Saint-Tropez Jazz

 Au Café des Arts, des touristes anglais et allemands s'esclaffent, tonnent, gloussent. J'observais ce joyeux fatras, silencieux. A ...