mercredi 23 décembre 2020

Il Vecchione

 Décembre 2018. J'étais, à cette période, très seul. J'avais fui en Italie. Dormi ici et là dans des hôtels modestes, m'étais arrêté dans la plus petite ville, pour espérer apercevoir quelque chose qui ne se dissimule pas. Les ruines romaines de Brescia, les arcades de Mantoue, les grottes de Catulle au bord du Lac de Garde, dans le froid de l'hiver pour le dernier jour de l'année.

Le soir même, une petit chambre à Bologne au-dessus d'un cinéma aux cloisons trop fines. Et toujours cette scène de course-poursuite que j'entendais à heure régulière, qui faisait trembler les murs.

Minuit approchait, je suivais la foule qui se concentrait sur la Piazza Maggiore, sous le regard impassible du Neptune de bronze. J'avais connu le Capodanno devant les aiguilles du Duomo de Milan; le cul entre deux chaises un peu dans la ville haute, un peu dans la ville basse de Bergame; je connaîtrai plus tard les cris de joie, et cet inconnu, me prenant dans ses bras, qui fit propulser mon téléphone parmi les pas des fêtards, sur la place concave du Campo de Sienne. Mais nul réveillon ne me laisse un souvenir plus durable que ce minuit à Bologne. 

Le Vecchione était installé. Immense figure de bois qu'aurait adoré Arcimboldo, faite de mobilier désuet, de tiroirs et de fonds de tiroirs, de bureaux et de vieilles chaises, s'apprêtant à brûler, et avec lui toute les mauvaises choses de l'année, et Dieu sait qu'à cette époque il y en eut. Tradition ancestrale qui rappelle ce Moyen-âge où l'on jetait par les fenêtres la vaisselle et débarrassait les foyers de tout ce qui les encombrait, afin de faire le plus grand fracas, dans l'espoir que les mauvais esprits fuient.

La foule s'était rassemblée autour du vieux géant. La détonation retentit aux premières secondes de l'année. Puis le feu commença à prendre. Nous regardions cette tornade de feu léchait la nuit, et en pensée, tant de ma vie s'y est vu sacrifié. La cendre pleuvait, et un Italien épousseta mon épaule où une braise était venue se perdre, avant que je ne me mette moi aussi à brûler. Je l'en remerciai d'une révérence.

Quelques personnes restèrent pour observer les dernières lueurs du Vecchione, certains dansaient, d'autres s'embrassaient.


Photo du Vecchione de Bologne, Capodanno 2018:




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