mardi 14 juillet 2020

A Fleur de peau

Les événements récents ont bouleversé un certain nombre de nos codes sociaux, et la distanciation sociale que nous impose désormais la cohabitation avec le virus nous frustre dans notre rapport à l'autre. Le toucher, la caresse, le contact, notre manière d'approcher et donc d'appréhender notre prochain semblent devoir être analysés à l'aune de ces nouvelles mesures sanitaires. Le Musée du Petit Palais d'Avignon s'est ainsi décidé à proposer, non pas une exposition, mais un parcours au sein de ses collections permanentes et de quelques prêts pour orienter le regard du visiteur. Cette thématique, intitulée "A Fleur de peau", nous réapprend à voir, à sentir pour ainsi dire les œuvres remarquables qui y sont exposées: peintures médiévales fascinantes que le touriste italien lui-même, fût-il de Florence ou de Sienne, ne pourrait que jalouser.

"On touche avec les yeux", dit-on parfois aux enfants avant qu'ils ne pénètrent dans les galeries d'un musée. Ici, il s'agirait plutôt de voir, de comprendre, de "sentir" les gestes, le toucher, les étreintes et les salutations distanciées représentées dans les œuvres du Quattrocento et de la Renaissance. On interroge le toucher avec les yeux; au rythme des panneaux, notre regard est intelligemment guidé sur des détails, qui n'en sont plus tout à fait. Chaque fait et geste, au gré des fresques mythologiques ou religieuses, est mis en écho avec cette si soudaine pénurie du toucher dont nous souffrons depuis quelques mois.

On y croise une représentation de Job dont les tourments célestes qui l'accablent le couvrent de plaies. Son corps meurtri l'exclut plus encore du monde. Sa chair devient l'expression même de ses malheurs.


Ici, une oeuvre du photographe contemporain Andres Serrano représentant un pied sur lequel on reconnaît une plaie du Christ; en face, une crucifixion du seizième siècle.

Là, une Cène extraordinaire où Saint-Jean, le plus jeune des apôtres, se laisse tomber dans les bras de Dieu, s'abandonne dans son amour pour Lui.


On y découvre plus loin un impression étendard du début du quinzième siècle: La Vierge de la Miséricorde. Madone sollicitée pour se protéger des grandes épidémies d'alors. La tapisserie représente pourtant une foule de pénitents, à une époque où les rassemblements étaient déjà interdits par mesure de précaution. Une oeuvre remarquable de prime abord, qui nous parle plus que jamais, qui nous touche littéralement, désormais.


Mais l'un des clous du spectacle, sans jeu de mot, reste cependant un tempera sur bois de l'atelier de Botticelli ou de l'artiste lui-même: Noli me tangere. "Ne me touche pas", précation du Christ à Marie-Madeleine, qui se voit, refuser, comme Job, la grâce du toucher.


De ce parcours, l'esprit en sort plus aiguisé, l'air de rien, par le seul regard posé sur les corps rapprochés ou éloignés.

Exposition du Musée du Petit Palais d'Avignon: Su 10/07 au 31/08/2020


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