mardi 8 septembre 2020

Fontainebleau. L'exhalaison des siècles

 Dans L'Education sentimentale, Frédéric Moreau et son amante Rosanette, lassés de l'agitation parisienne, visitent les appartements royaux de Fontainebleau. Flaubert écrit ceci: "Les résidences royales ont en elles une mélancolie particulière, qui tient sans doute à leurs dimensions trop considérables pour le petit nombre de leurs hôtes, au silence qu'on est surpris d'y trouver après tant de fanfares, à leur luxe immobile prouvant par sa vieillesse la fugacité des dynasties, l'éternelle misère de tout; - et cette exhalaison des siècles, engourdissante et funèbre comme un parfum de momie, se fait sentir même aux têtes naïves."

On y sent donc les siècles murmurer. On perçoit, comme Frédéric, la présence de "tous les personnages qui avaient hanté ces murs."

1814. Napoléon est contraint d'abdiquer. Il s'apprête à dire adieu à sa vieille garde, et descend lentement l'escalier en fer à cheval. Tant de batailles, un empire si grand. Quelques sursauts, c'est vrai: les Cent jours, mais s'ensuivra Waterloo, et de nouveau il subira l'exil.



Le château, par ses vestiges, est comme rempli de spectres. On y déambule, la nuit, les galeries étranges semblent se perdre dans l'ombre, et à la clarté d'une lampe torche, parfois, se découvrent les longues silhouettes des cariatides de l'ancienne chambre de la duchesse d'Etampes, accompagnés de satyres impudiques.


On est alors saisi de vertige par les stucs de Primatice, tourbillonnant au-dessus d'un majestueux escalier de marbre qui se précipite sous nos pas, emportant dans son silence d'anciens soupirs auxquels viennes répondre les fresques des amours d'Alexandre.


 1539. François I invite son éternel rival, son meilleur ennemi, Charles Quint, à découvrir les splendeurs de son palais, sa "nouvelle Rome". Quelques années plus tôt, il était son captif, après la défaite cuisante de Pavie. Bien des années après, en s'exilant au fin fond de la Castille, Charles Quint emportera avec lui sa collection des Titien, dont un portrait du roi français. François I lui fait découvrir la majesté de sa galerie, dont les fresques peintes par le Rosso, rivalisent avec la Chapelle Sixtine.


Des incendies flamboyants et des naufrages côtoient les rondeurs de trois grâces, Danaé ou Diane la muse de Fontainebleau, dont l'impudeur noble trouble encore les sens à la faveur de la nuit.



Flaubert, toujours, à propos des charmes de Diane Chasseresse: "Tous ces symboles confirment sa gloire; et il reste là quelque chose d'elle, une voix indistincte, un rayonnement qui se prolonge.
Frédéric fut pris par une concupiscence rétrospective et inexprimable."

Photo du Château de Fontainebleau, de nuit:






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