jeudi 18 juillet 2019

Une ruine magnifique

Le vent sifflait par là-bas; et quand il faut entendre sa voix, tous se taisent pour écouter. On aurait tant à écrire sur le vent de Provence, dans la mesure où il a encore quelque chose à nous apprendre. Il suffit de prêter l'oreille.
J'étais égaré parmi la garrigue et les ruines. Puis en suivant la brise, à l'aube, on va un peu plus loin. Et seul, dans une matinée froide de printemps, cet ocre tout à coup qui s'élance au-dessus d'un bleu cristallin. Et le vent, toujours.

On longe les arches. Pris de vertige. On s'approche du cours d'eau; et si petit devant les lignes du pont, on se surprend à penser à quelques lignes de Rousseau:

On m'avait dit d'aller voir le pont du Gard; je n'y manquai pas. Après un déjeuner d'excellentes figues, je pris un guide, et j'allais voir le pont du Gard. C'était le premier ouvrage des Romains que j'eusse vu. Je m'attendais à voir un monument digne des mains qui l'avaient construit. Pour le coup l'objet passa mon attente; et ce fut la seule fois en ma vie. Il n'appartenait qu'aux Romains de produire cet effet. L'aspect de ce simple et noble ouvrage me frappa d'autant plus qu'il est au milieu d'un désert où le silence et la solitude rendent l'objet plus frappant et l'admiration plus vive, car ce prétendu pont n'était qu'un aqueduc. On se demande quelle force a transporté ces pierres énormes si loin de toute carrière, et a réuni les bras de tant de milliers d'hommes dans un lieu où il n'en habite aucun. Je parcourus les trois étages de ce superbe édifice, que le respect m'empêchait presque d'oser fouler sous mes pieds. Le retentissement de mes pas sous ces immenses voûtes me faisait croire entendre la forte voix de ceux qui les avaient bâties. Je sentais, tout en me faisant petit, je ne sais quoi qui m'élevait l'âme, et je me disais en soupirant: "Que ne suis-je né Romain!"

Rousseau, Les Confessions, Livre VI, 1765

Photo du pont du Gard:


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