mercredi 6 mars 2019

Pompéi 79

Pline le Jeune écrit à Tacite, curieux des dernières heures de son oncle. Pline l'Ancien voulut voir la mort de près. Aux premières secousses du Vésuve, le vieil homme se précipita, par la mer, au chevet de l'apocalypse."La cendre tombait déjà sur les navires plus chaude et plus dense à mesure qu'ils approchaient." Quelque chose dans le désastre rappelle les dix plaies d'Egypte, la mer se retire "comme chassée par le séisme" et "des animaux marins de toutes sortes jonchaient le sable sec"; une nuit éternelle recouvre le monde: "Les ténèbres se firent; ce n'était pas l'obscurité d'une nuit sans lune ou couverte par les nuages, mais celle d'une pièce fermée où les lampes sont éteintes."

La seule consolation de cette destruction, avoue Pline le Jeune, est l'idée de périr avec le monde en même temps que le monde. On ne saurait pas même fuir, la catastrophe au-delà du réflexe de survie. L'homme de lettres, face à l'éruption, demandera un volume de Tite-Live; "et je me suis mis à lire comme si je n'avais rien d'autre à faire."

Et l'apocalypse ricoche en écho jusqu'à nous dans cette même rengaine que chantonnent les grands désastres, où les astres se dissipent derrière l'ombre. L'empreinte de ces temps zéro, de ces tables rases, où le temps doit recommencer, au fond, reste la même, en 79, dans les contrées vésuviennes, ou en 1945.
Pline note: "Une nuage montait de terre -trop loin pour voir avec certitude de quelle montagne il s'élevait (c'est après que l'on sut qu'il s'agissait du Vésuve) - un nuage qui avait la forme et l'apparence d'un arbre, mieux d'un pin parasol." Il y voit un pin parasol; deux mille ans après, on ne peut y voir qu'un champignon atomique au-dessus d'Hiroshima.

Il n'est de catastrophe au monde qui ne finisse pas un jour par rimer...

Photo du Vésuve, de Pompéi:


vendredi 1 mars 2019

Les grottes de Catulle

C'était en cette période de mon existence où j'accomplissais une sorte de voyage d'hiver. Je roulais sans compter ni l'espace ni le temps, droit devant l'horizon. On se dit peut-être que c'est ainsi que l'on remonte les heures.
Avant de bifurquer pour entrer plus loin en Italie, je fus attiré par les effluves du lac de Garde. Nous étions le 31 décembre, le dernier jour de l'année, le dernier jour d'une vie; et la lumière tranchait l'ombre.

J'arrivais à Sirmione peuplée alors de quelques égarés comme moi. Tout était fermé, restaurants, hôtels, boutiques. Je traverse la petite ville, et sans crier gare, tout à coup, deux mille ans me sautent aux yeux. Le temps à l'envers. L'extrême pointe de la presqu'île est dominée par les ruines d'une ancienne villa romaine, l'une des plus grandes que l'Italie du Nord ait pu conserver. Cernées de champs d'oliviers, dans un contre-espace où les saisons et les climats s'abolissent d'eux-mêmes, des dizaines de voûtes, de cavités qui, dans leur usure, ont fini par ressembler à des grottes troglodytes, des sassis comme ceux des cités millénaires des Pouilles. Et en contre-bas, le lac qui se prend pour la Méditerranée.
Je crois que c'est ainsi que j'imagine la Sicile et les pays chauds de mon âme.

Catulle, qui a donné son nom à ces vestiges, avait chanté la beauté de ce promontoire:

Sirmio, perle de toutes les presqu'îles et de toutes les îles qui, dans les lacs aux eaux limpides et dans la vaste mer, s'élèvent sur l'un et l'autre Neptune, avec quel plaisir, avec quelle joie je te revois! J'ai peine à me persuader que j'ai quitté la Thynie et les champs bythiniens et que je puis te contempler sans crainte. Ah! qu'y a-t-il de plus doux que d'être libre de tout souci, quand l'âme dépose son fardeau et qu'après nous être épuisés de fatigue chez les étrangers nous revenons à notre Lare et que nous retrouvons le repos sur un lit longtemps désiré. Voilà la récompense unique pour tant de peines. Salut, ô belle Sirmio; réjouis-toi du retour de ton maître joyeux et vous aussi, onde du lac Lydien; riez tout ce qu'il y a d'éclats de rire dans ma maison.

Photo des grottes de Catulle, Sirmione:


Une Ballade des contradictions

 C'était la fin de l'hiver. Journée pluvieuse, grise. Pour des raisons longues à expliquer, j'étais allé me perdre jusqu'à l...