samedi 12 janvier 2019

Londres, ville biblique!

Une nuit que j'étais à me morfondre dans quelque pub anglais du cœur de Londres, parcourant l'Amour Monstre de Pauwels, me vint une vision dans l'eau de Seltz. Quelle vision?, demanderait-on à Gainsbourg. Oh, pas grand-chose, presque rien, à dire vrai. Rien que l'essentiel. Cette apparition m'apparaît confuse, mais je crois la reconnaître. A chacun, ses spectres, n'est-ce pas.

Car "tout l'affreux passé saute, piaule, miaule et glapit dans le brouillard rose et jaune et sale des sohos avec des indeeds et des al rights et des haos." disait Verlaine.
"Londres fume et crie. Ô quelle ville de la Bible!
Le gaz flambe et nage et les enseignes sont vermeilles.
Et les maisons dans leur ratatinement terrible
Épouvantent comme un sénat de petites vieilles."

"Ah! vraiment c'est triste, ah! vraiment ça finit trop mal."

Londres, ville biblique, donc? Je vois. Une ville qui, plusieurs fois, a traversé ses plaies d'Egypte. Le fléau sous ses nombreux masques.

1666: Le Grand Incendie ravage la ville du 2 au 5 septembre. "Sauf quelques églises de pierre, tout le Londres moyenâgeux a disparu en trois jours, emportant mille ans d'histoire." précise Paul Morand. "On dirait que l'incendie a laissé dans l'air son odeur redoutable. Après trois siècles, Londres sent encore le brasier froid, et la pierre de ses plus beaux immeubles garde quelque chose de calciné. Quand un feu de cheminée éclate, quand passent les pompiers et leurs automobiles rouges, les habitants se regardent avec inquiétude, et font silence... Impression de malaise, que je n'ai jamais éprouvée dans aucune autre ville, on dirait que du fond de leur subconscient, les Londoniens sentent remonter le souvenir du Grand Incendie."

1856: La Grande Puanteur. La ville est imprégnée, jusque dans son ombre, d'une odeur nauséabonde qui remonte des eaux croupies de la Tamise, sous la chaleur caniculaire de l'été. Un déluge, qui se fait attendre, finira par dissiper la puanteur.

1940-1941: Le Blitz. L’Éclair. La mort venue d'en-haut. Plus de 40 00 civils tués, lors des pluies incessantes de l'aviation allemande, qui bombardent la ville, nuit et jour.

1952: Le Grand Smog, cette brume épaisse qui a enténébré la ville du 5 au 9 décembre. Le Smog, ce troisième géant, né des vapeurs de la révolution industrielle, héritier de Gog et Magog, les bâtisseurs de la ville, ces Titans légendaires qui "durent avoir des jambes d'échassiers pour se frayer un chemin à travers les méandres marécageux de la Tamise, et des têtes plus hautes que des phares pour dominer l'étendue des forêts." (Paul Morand.)

Ah, Londres, ville biblique! Babylone, Sodome, Gomorrhe, Soho, Picadilly Circus, et le reste; et les néons ont fini par remplacer le "feu du ciel."

Sources: Paul Morand, Londres, Gallimard, Folio, 1962
               Paul Verlaine, "Le Sonnet boîteux", Jadis et Naguère, Pocket, 2009

Photo de Londres, hiver 2018:


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