dimanche 10 avril 2022

Arabesques

    Je songe à ce calife de Cordoue, quand la ville rivalisait avec Bagdad, seul au sommet de sa gloire qui s'épuisait dans le souvenir de ces quelques jours, dans toute une vie, où il avait été heureux et qui se comptaient sur les doigts d'une main. J'ai fait l'inventaire à mon tour des jours, les quelques-uns, où j'ai été, vraiment, heureux.

    J'ai franchi le Guadalquivir, un soir brûlant de juillet, sur le pont romain où je me suis plu à imaginer que Sénèque, dans sa jeunesse, avait précédé mes pas.



    Je me souviens de cet homme juif rencontré à la synagogue, l'une des trois seules à dater d'avant l'expulsion des juifs de 1492, avec celles de Tolède, que j'avais supposé être un habitué éminent et sage de ces illustres murs, avant qu'il ne cause l'effondrement de mes illusions, en me demandant de le prendre en photo: "I'm from Bruxelles, I'm so excited to be here."


    J'ai patienté longuement aux heures les plus chaudes de l'après-midi dans l'espoir que le soleil daigne enfin calmer ses ardeurs, visité les colonnades de la Mosquée à l'aube, avant que les touristes n'affluent par dizaines, admiré les voûtes de la cathédrale construite dans le cœur même de la Mezquita, causant le chagrin de Charles Quint, si fervent chrétien, qui se serait, pourtant, exclamé découvrant les travaux de ces architectes: "Vous avez détruit ce qui n'existait nulle part ailleurs pour construire ce que l'on trouve partout en Europe."



    J'ai comparé les portes de ces murailles ocres, leurs arabesques, leurs dorures, de la fenêtre du petit hôtel où je résidais. Les soirs, parfois même après minuit, posé mon dos contre la pierre encore brûlante, pour paresser un peu dans la nuit et rêver aux étoiles.

        Me suis laissé bercer enfin par le son d'une guitare ou le jeu d'eau d'une fontaine dans la cour des orangers; aperçu au loin le désert, aride et impassible, qui semblait avancer tout doucement vers la ville, pour me réfugier dans la juderia et franchir les portes de la plus secrète et lointaine teteria, le corps essoré par la moiteur, l'âme troublée par la lumière.




    J'ai connu Cordoue...

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