mercredi 23 septembre 2020

Fouquet, victime expiatoire

 Le soleil aura froncé les sourcils. Offusqué, écrit Paul Morand. Les richesses, l'éclat, la grâce de Nicolas Fouquet auront fait de l'ombre au roi qui envie ce luxe, qui jalouse sa demeure: le château de Vaux-le-Vicomte.




Jusqu'où ne montera-t-il pas?, disait-on à l'époque du Surintendant, en se doutant peut-être qu'il avait quelque chose d'Icare.

Depuis longtemps déjà Louis XIV et Colbert cherchaient une victime expiatoire, d'où s'élever. Puis, la voie désormais libre, imiter ce qu'ils feignaient de condamner. Sa puissance sur les cendres du pouvoir, non de son père, mais de Fouquet, l'écureuil.

 Le bûcher de ce bouc émissaire qui s'ignorait, ou le laissait croire, s'est organisé le soir du 17 août 1661, dont il avait pensé la splendeur dans les moindres détails, avec Le Nôtre pour les jardins, Le Vau pour l'architecture, Le Brun pour les fresques, Molière pour le divertissement, Vatel pour le festin qu'une déconvenue contraindra au suicide.

"Vaux ne sera jamais plus beau qu'il ne le fut cette soirée-là" écrit La Fontaine, fidèle ami de Fouquet. La cour du roi est éblouie, elle qui ne jouit pas encore des fastes de Versailles.



Les flammes où a lieu le sacrifice ébahissent les convives: de la plus petite chandelle au feu d'artifice grandiose que l'on aperçoit du Grand Salon.


Mais dans les sourires, les convenances, des complots sourdent, des messes basses, des noms que l'on prononce à demi-mot en exigeant qu'ils ne soient plus prononcés par quiconque. Ces murmures précipiteront Fouquet.

Derrière les apparats de la fête, en vérité, nul ne l'ignore, personne ne rit vraiment.


Idée de lecture: Fouquet ou le Soleil Offusqué. Paul Morand.


Photo de Vaux-le-Vicomte, soirée aux chandelles:




mardi 8 septembre 2020

Fontainebleau. L'exhalaison des siècles

 Dans L'Education sentimentale, Frédéric Moreau et son amante Rosanette, lassés de l'agitation parisienne, visitent les appartements royaux de Fontainebleau. Flaubert écrit ceci: "Les résidences royales ont en elles une mélancolie particulière, qui tient sans doute à leurs dimensions trop considérables pour le petit nombre de leurs hôtes, au silence qu'on est surpris d'y trouver après tant de fanfares, à leur luxe immobile prouvant par sa vieillesse la fugacité des dynasties, l'éternelle misère de tout; - et cette exhalaison des siècles, engourdissante et funèbre comme un parfum de momie, se fait sentir même aux têtes naïves."

On y sent donc les siècles murmurer. On perçoit, comme Frédéric, la présence de "tous les personnages qui avaient hanté ces murs."

1814. Napoléon est contraint d'abdiquer. Il s'apprête à dire adieu à sa vieille garde, et descend lentement l'escalier en fer à cheval. Tant de batailles, un empire si grand. Quelques sursauts, c'est vrai: les Cent jours, mais s'ensuivra Waterloo, et de nouveau il subira l'exil.



Le château, par ses vestiges, est comme rempli de spectres. On y déambule, la nuit, les galeries étranges semblent se perdre dans l'ombre, et à la clarté d'une lampe torche, parfois, se découvrent les longues silhouettes des cariatides de l'ancienne chambre de la duchesse d'Etampes, accompagnés de satyres impudiques.


On est alors saisi de vertige par les stucs de Primatice, tourbillonnant au-dessus d'un majestueux escalier de marbre qui se précipite sous nos pas, emportant dans son silence d'anciens soupirs auxquels viennes répondre les fresques des amours d'Alexandre.


 1539. François I invite son éternel rival, son meilleur ennemi, Charles Quint, à découvrir les splendeurs de son palais, sa "nouvelle Rome". Quelques années plus tôt, il était son captif, après la défaite cuisante de Pavie. Bien des années après, en s'exilant au fin fond de la Castille, Charles Quint emportera avec lui sa collection des Titien, dont un portrait du roi français. François I lui fait découvrir la majesté de sa galerie, dont les fresques peintes par le Rosso, rivalisent avec la Chapelle Sixtine.


Des incendies flamboyants et des naufrages côtoient les rondeurs de trois grâces, Danaé ou Diane la muse de Fontainebleau, dont l'impudeur noble trouble encore les sens à la faveur de la nuit.



Flaubert, toujours, à propos des charmes de Diane Chasseresse: "Tous ces symboles confirment sa gloire; et il reste là quelque chose d'elle, une voix indistincte, un rayonnement qui se prolonge.
Frédéric fut pris par une concupiscence rétrospective et inexprimable."

Photo du Château de Fontainebleau, de nuit:






Saint-Tropez Jazz

 Au Café des Arts, des touristes anglais et allemands s'esclaffent, tonnent, gloussent. J'observais ce joyeux fatras, silencieux. A ...