samedi 7 décembre 2019

La mort de l'Inquisiteur

Saragosse brûle, toute la noblesse espagnole est conviée par le grand Inquisiteur Torquemada, la foule observe, stupéfaite, le bûcher terrible dont les flammes dépassent alors le clocher de la cathédrale. Les hérétiques sont pourchassés puis jetés dans les flammes, les prisonniers attendent leur tour, et la fumée dépose un épais brouillard dans toute l'Aragon. Des centaines d'hommes seront en quelques jours brûlés vifs. A cette époque un rien suffit pour que l'Eglise se dresse contre le blasphème. Des murmures suffisent à inquiéter; une messe basse? on crie à la messe noire; une hésitation ressemble à une hérésie.

C'est que l'inquisiteur Pedro de Arbués vient d'être assassiné dans la cathédrale de Saragosse, le protégé de Torquemada, égorgé alors même qu'il priait Dieu. Nous sommes le 17 septembre 1485. Il sera l'un des deux seuls inquisiteurs victimes d'un assassinat.

On accuse les grandes familles juives d'Aragon, on trouve des complices dans chaque rue. Tous, aux yeux du grand Inquisiteur, tous deviennent coupables du meurtre d"Arbués. Il l'érige au rang de martyr et le fait inhumer dans une chapelle de la cathédrale, non loin du lieu où il fut pris en traître.

Quand, sur la grande esplanade qui éloigne la vieille cathédrale de l'extraordinaire El Pilar, qui n'existait pas encore, araignée de marbre qui dresse ses tours par-delà l'Ebre, on s'arrête un instant, quelque chose de ce grand incendie semble à travers les siècles, crépiter encore. Et l'on entendrait presque les cris de l'inquisiteur que le sang étouffe.

Photo de Saragosse:




mercredi 4 décembre 2019

Fenêtre sur Méditerranée

Il fallait bien un lieu où la lumière parlât enfin... Matisse a épuisé le puits de l'impressionnisme, tout essoré du pointillisme. Décortiqué la leur, le spectre des couleurs. C'est alors qu'il découvre, tout recroquevillé aux pieds des Pyrénées, Collioure. Enfin, il y a quelque chose à peindre de nouveau. Il emménage devant la mer qu'il aperçoit dans le petit encart d'une fenêtre, où il attend les nuances du matin, comme les haruspices jadis dans un carré sacré les augures.
Il fait venir Derain, son jeune ami peintre de vingt-cinq ans. Et ensemble ils vont peindre des dizaines d'instantanés. Non plus la couleur telle qu'on la voit, mais la couleur telle qu'elle est, au-delà même de l’œil. La couleur absolue. La lumière qui tremble, qui vibre, qui empiète sur l'ombre. La grignote. La dévore. L'engloutit tout à fait.

Vue de Collioure, Matisse, 1907


La lumière rougit, rugit, bondit sur la toile. C'est plus qu'un coup de pinceau, c'est une giclée de sang après la prédation. Même Picasso, non loin de là, à Céret, restera saisi. Presque impuissant devant ce que Matisse et ses amis (Marquet, Van Dongen...) auront fait. Presque.

Le phare de Collioure, Derain, 1905



Au Salon d'automne de 1905, ce sera le choc. Les fauves sont là. On pensait que Cézanne avait déjà tout dit, il ne faisait que balbutier. Tout était encore à faire pourtant. 1905, à Collioure, face à la Méditerranée, la modernité dit ses premiers mots.

Photo de Collioure.




Une Ballade des contradictions

 C'était la fin de l'hiver. Journée pluvieuse, grise. Pour des raisons longues à expliquer, j'étais allé me perdre jusqu'à l...