dimanche 16 août 2020

Goethe-Palladio

Goethe fuit nuitamment Carlsbad le 3 septembre 1786, il a besoin d'horizons nouveaux, empêtré depuis longtemps dans des obligations ministérielles qui finissent par le lasser. Ratisbonne-Munich-Innsbruck. Les Alpes. Et enfin, l'Italie: Bolzano, Trente, Vérone. Il arrive à Vicenza le 19 septembre, attiré par les œuvres néo-classiques d'un seul homme qu'il juge être le plus grand architecte de la Renaissance: Andrea Palladio


"Je suis arrivé depuis quelques heures. J'ai déjà parcouru la ville; j'ai vu le théâtre olympique et les édifices de Palladio. On a publié, pour la commodité des étrangers, un livret fort joli avec des figures et un texte qui dénote la connaissance des arts. C'est lorsqu'on est en présence de ces ouvrages, qu'on en reconnaît enfin la grande valeur. Il faut que l’œil en embrasse la grandeur et la masse réelles; il ne suffit pas que l'esprit soit satisfait par la belle harmonie de leurs dimensions dans des élévations abstraites, mais avec les saillies et les retraits de la perspective. Et je le dis, Palladio fut vraiment un grand homme, intérieurement, et un créateur"

Il arpente la Piazza dei Signori où se dresse l'extraordinaire basilique palladienne: palazzo della Ragione que Palladio a recouvert d'une double arcade en marbre, dont il admire la pureté, tout en déplorant les vestiges gothiques qu'elle ne dissimule pas.


Face à elle, la Loggia del Capitanio l'enchante.


En remontant le Corso Palladio jusqu'au théâtre olympique, dernier théâtre antique dont les travaux commencent en 1580, qu'il ne pourra jamais achever, il goûte la simplicité de la Casa Cogollo, dont on dit, à tort sans doute, qu'elle fut la demeure de l'architecte.


"Parmi les bâtiments de Palladio il en est un pour lequel j'eus toujours une prédilection particulière: ce fut, dit-on, sa propre demeure. Mais elle dit beaucoup plus dans la réalité que dans l'estampe. Je voudrais en avoir le dessin, enluminé des couleurs que les matériaux et la vétusté lui ont données. Mais il ne faut pas se figurer que l'architecte se soit bâti un palais. C'est la maison la plus modeste du monde. Elle n'a que deux fenêtres, séparées par un large trumeau, qui en comporterait une troisième. Si l'on voulait en faire un tableau, en y joignant les maisons voisines, la manière dont elle s'y trouve intercalée produirait un effet heureux. C'était un sujet digne de Canaletto."

Avant d'arriver à Padoue, il s'arrêtera à la Villa Rotonda, l'un de ses chefs-d'oeuvre assurément, que Joseph Losey prendra pour décor dans son adaptation de Don Giovanni, en 1979.

Palladio occupera ses esprits et ses écrits, les premiers jours de son voyage italien, avant que Venise, Rome et Naples ne se découvrent à lui. Il trouve chez l'architecte "encore vénéré comme une étoile polaire et un modèle par ses concitoyens" une source d'inspiration, lui rappelant l'harmonie de la beauté antique et la mesure de la pensée classique.

Photo de la Piazza dei Signori, Vicenza:





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