dimanche 27 août 2017

Le Vésuve, dernier dieu antique

Nul autre que le peuple napolitain n'est aussi familier à l'idée de la mort. Ils vivent tous, courent, lézardent au soleil, vendent et dépensent au plus près de son souffle, dans le périmètre défini de son ombre. Cette ombre au-dessus de la foule bruyante est celle du Vésuve, le dernier dieu antique auquel les hommes croient encore. Ils en ont fait des idoles, des images sacrées; ils parlent de sa fureur en chuchotant, fascinés par sa puissance. Ils le gravissent quelques fois de la même manière qu'ils feraient un pèlerinage. Ils connaissent depuis des millénaires la violence dont il est capable mais n'ont jamais hésité à habiter ses flancs dans l'espoir que le dieu Vésuve ne grondera pas dans cette vie mais dans une autre. A la nuit tombée, il disparaîtrait dans l'ombre si les lueurs des hommes qui scintillent comme les torches de quelque Vestale ne laissaient apparaître en retour sa gigantesque silhouette. Tous redoutent l'instant où il élèvera la voix, déçus pourtant qu'il demeure muet depuis tant d'années. Le matin, la baie de Naples est écrasée de lumière, de cette lumière que l'on retrouve dans les récits d'Homère, de cette lumière si blanche, si grande que nul ne peut, du bord de mer, regarder le Vésuve droit dans les yeux, devenu, avec les îles qui le bordent, une gorgone évanescente désormais, voilée derrière cette immense masse bleutée que le soleil et la mer font naître ensemble dans la fumée du port de Naples.

Le Vésuve est le dernier des dieux antiques.

A ses pieds, les hommes font l'expérience de leur mortalité, de leur misère. La mort peut arriver prochainement, non pas demain mais bien dans l'après-midi, comme disait Proust. Et c'est de cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête que les Napolitains sont devenus ce qu'ils sont. Exubérants, exacerbés, passionnés. Rares sont les peuples qui jouissent d'autant de vie. Simplement parce qu'ils savent la mort tout près.
Tout, là-bas, est plus baroque qu'ailleurs simplement parce que le Vésuve regarde et qu'aucun d'entre nous ne peut tout à fait soutenir son regard.


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