vendredi 26 novembre 2021

Errances parthénopéennes

 J'ai croisé Pulcinella entre la via Gregorio Armeno et la via dei Tribunali, j'ai marché de longues heures dans la nuit, observé longtemps le Vésuve dissimulé dans l'obscurité, descendu les souterrains étroits de la ville, gravi les hauteurs de Vomero, les terrasses de Capri, longé les routes olympiennes, par-delà les nuages et les virages entre Amalfi et Positano. J'ai enchaîné les limoncelli piazza Bellini, seul ou accompagné. J'ai collectionné les marqueteries de Sorrento, les majoliques de Santa Chiara, au moins en songe.

 


 

J'ai traversé les salles du Palazzo Reale, monté l'escalier en marbre, frôlé les tapisseries des Gobelins, admiré les fresques dédiées à Don Quichotte. J'ai dormi dans des appartements du quartier médiéval, mais aussi dans de grands hôtels le long du Lungomare, réveillés par le cri des mouettes les matins illuminés de l'incandescence du soleil, ce même soleil que j'ai vu décliner derrière la silhouette escarpée de Capri.

 


J'ai sautillé de pavé en pavé dans une ville détruite, suivi les stèles et les morts, saisi par le rouge de Pompéi et ces portraits aux regards d'éternité, tremblant devant les visions grotesques de la salle si noire consacrée à la déesse Isis, quelque part dans la Villa des Mystères.

 


Je me suis perdu souvent. J'ai couru via Toledo avec une amie des plus chères pour apercevoir avant la nuit les dernières lueurs sur les sommets du volcan. Je me suis assoupi à ses côtés sur un banc dans les jardins d'Auguste surplombant la mer, mais aussi sur une petite plage déserte d'Amalfi, alors que l'hiver était doux en ces régions. Atteint le bout du monde à Ravello, au sommet d'un clocher, où l'impression me traversa que, quoi que je puisse faire, rien ne saurait me porter plus loin que ces confins que je venais d'atteindre. Enfin.

 

 
J'ai bu au comptoir du Gambrinus des cafés. En face, au petit kiosque devant le San Carlo, j'ai avalé des limonades aux cuisses ouvertes qui ne manquent pas de ragaillardir. 

J'ai erré de bateau en bateau, d'île en d'île. J'ai attendu avec mon père un ferry un soir de février sur le petit port d'Ischia, connu avec lui la langueur troublante des fins d'après-midi au large de Naples.

J'ai amené deux compagnes ici, à deux époques différentes de ma vie, toutes deux brusquées par les remous de la ville qui n'accepte, mère possessive, que ceux qu'elle souhaite, y ai tenté en vain de sauver un fragile bonheur commun lors de dernières vacances pour chacune d'elles avant que le couple ne se dissolve pour de bon dans le magma du temps.

 


J'ai rebroussé chemin dans certaines rues trop sombres, me laissant attiré par les ténèbres d'un hypogée sous l'église Sant'Anna dei Lombardi, où les crânes sont choyés et lustrés, comme de lointains, très lointains ancêtres. J'ai autant gagné que perdu, autant été sauvé que damné. J'ai autant fréquenté les morts que flirté avec la vie. Parthénope. Ma chère Naples. Qui me manque sitôt que je m'en éloigne.

Nombreux sont mes amis qui savent ce que je lui dois: cette ville, -mais n'est-elle que cela?- appartient, pour le meilleur et le pire, à mon existence, comme si j'y étais né.




Une Ballade des contradictions

 C'était la fin de l'hiver. Journée pluvieuse, grise. Pour des raisons longues à expliquer, j'étais allé me perdre jusqu'à l...