dimanche 31 janvier 2021

Presque

 Il avait neigé lourdement sur les toits du château. La forêt frissonnait. L'étang des carpes avait gelé, le jardin anglais se calfeutrait dans la brume. Depuis longtemps déjà, Fontainebleau me faisait rêver d'hiver furieux, où poudroient de gros flocons sur les pelisses des passants. C'est pourquoi la neige tombait bien. La place Napoléon-Bonarparte était couverte d'une croûte de boue. Je passais devant le Taureau sculpté de Rosa Bonheur, taureau de bronze qui n'est plus là, depuis un demi-siècle. Une plaque gravée dans un coin de la façade d'un hôtel me rappelle à son souvenir.





Cette chanson était de Prévert, je crois:


PRESQUE


A Fontainebleau

Devant l'hôtel de l'Aigle Noir

Il y a un taureau sculpté par Rosa Bonheur

Un peu plus loin tout autour

Il y a la forêt

Et un peu plus loin encore

Joli corps

Il y a encore la forêt

Et le malheur

Et tout à côté le bonheur

Le bonheur avec les yeux cernés

Le bonheur avec des aiguilles de pin dans le dos

La bonheur qui ne pense à rien

Le bonheur comme le taureau

Sculpté par Rosa Bonheur

Et puis le malheur

Le malheur avec une montre en or

Avec un train à prendre

Le malheur qui pense à tout...

A tout

A tout... A tout... A tout...

Et à Tout

Et qui gagne "presque" à tous les coups

Presque.


Photo de l'Hôtel de l'Aigle Noir à Fontainebleau, janvier 2021:




dimanche 10 janvier 2021

Venise. Incendie 1577

 On s'étonnerait qu'une ville si intimement liée à l'eau puisse brûler ainsi. Assurément elle n'est pas Rome, elle n'aura jamais été Carthage ni Troie, et pourtant elle aura participé au grand incendie du monde qui circule tout autour de la Méditerranée. Venise.




Le palais des Doges appuyé sur l'un des flancs de la Basilique Saint-Marc subira les assauts des flammes à trois reprises, phénix battant toujours les ailes. En 1483. Puis en 1574. Enfin en 1577, le feu détruisant le Couronnement de la Vierge au Paradis de Guariento di Arpo, commandé par le doge Marco Conaro en 1365. La perte est immense. Les dégâts considérables. Plusieurs jours, les rues serpentant à travers canaux et carrugi garderont une odeur calcinée que les effluves de la lagune ne parviendront à couvrir.




Il faut reconstruire.




La priorité sera de remplacer la fresque perdue au-dessus du tribunal. Les autorités ouvrent un concours: peindre le paradis. Les propositions se multiplieront, les doges hésiteront jusqu'en 1582. Le Titien est mort trop tôt, Palma le Jeune ne convainc pas, Tintoret est prometteur certes mais il ne fait pas l'unanimité, du fait de son grand âge. C'est à Véronèse que revient le projet, accompagné du peintre coloriste Francesco Bassano. Il est l'un des maîtres incontestée de la Renaissance vénitienne. Mais contre toute attente, les travaux s'enlisent, rien n'avance. Les anges du Paradis s'impatientent. Et le coup du sort: Véronèse meurt en 1588. En urgence, on rappelle le Tintoret.




Le vieil homme prend sa revanche, relève l'épreuve. Il voit là l'occasion d'enfin réaliser sa chapelle Sixtine. Il se mesure à Michel-Ange. Son paradis sera une œuvre considérable, sans aucune autre mesure, comptant plus de 800 personnages différents. Il signera ainsi le chant du cygne pour la Renaissance vénitienne.


Idée de lecture: Le concours du Paradis. Clélia Renucci.


Photo du Palais des Doges. Venise




Une Ballade des contradictions

 C'était la fin de l'hiver. Journée pluvieuse, grise. Pour des raisons longues à expliquer, j'étais allé me perdre jusqu'à l...