lundi 27 février 2023

Fulgurances vésuviennes

 En contrebas du Vésuve, tout un petit monde s'est toujours agité, les vies se sont faites et défaites, dans l'impassibilité du volcan.

En 73 avant Jésus-Christ, les soldats de Spartacus descendent en rappel les flancs escarpées de la montagne pour prendre de revers les 3000 miliciens du prêteur romain Caius Claudius Glaber.

2 août 1921, le plus grand ténor de l'opéra italien, Caruso s'éteint des complications de sa pleurésie, dans sa chambre de l'hôtel Vesuvio, en face du Castel dell'Ovo. 


Hiver 1631, le volcan entre en éruption, on compte plus de 4000 morts, bien plus mortelle que celle de Pompéi et Herculanum en 79 après Jésus-Christ.

Vingt-cinq ans plus tard, la Grande Peste décime la moitié de la population napolitaine, soit 250 000 personnes.

Dans cette proximité avec la mort, le baroque trouve son point d'orgue.

Le Cavalier Marin, poète maniériste adoré par la Cour de Marie de Médicis, introduit le jeune Poussin auprès du Cardinal Francesco Barberini, avant de quitter Rome pour Naples où il s'éteint le 25 mars 1625. Les membres des Académies des Oziosi et des Infuriati viennent se recueillir.

Le 19 mai 1815, Joaquim Murat est contraint de quitter Naples, ses rêves de grandeur s'écroulent.




Septembre 1652, Ribera, surnommé lo Spagnoletto, du fait de sa petite taille, s'éteint dans sa villa du Pausilippe. Lors de l'insurrection de Masaniello, en 1647, Don Juan d'Autriche, le fis bâtard de Philippe IV, chargé de mater la révolte, enlève l'une des filles du peintre. L'enfant de cette union maudite restera cloîtrée dans un couvent de Madrid. 

A l'arrivée des troupes de Don Juan d'Autriche justement, la Compagnie de la mort, milice rebelle à laquelle appartient le peintre Salvator Rosa, est contrainte de se disperser.

26 octobre 1685, Scarlatti naît dans cette même ville, fortement influencé par l'école napolitaine et les prouesses du Padre Soler; en sortiront 550 sonates.


Et le Vésuve, toujours silencieux, veille.

mardi 7 février 2023

L'aquarium de Balbec

 Ce fut d'abord Trouville et les chambres des Roches Noires, devant la mer. Le jeune Proust y vient très régulièrement, les étés, en compagnie de sa grand-mère d'abord, et sa mère. Il élargit son horizon, fuit les mondanités parisiennes. Il occupe l'appartement 110. Il écrit déjà.



C'est encore le moment où il découvre la Normandie. En 1907, il apprend que non loin d'ici, au-delà des falaises des Vaches Noires, ouvre un grand hôtel, à Cabourg. Sous sa plume, ce sera désormais Balbec, comme Roulettenbourg fut Baden-Baden pour Dostoïevski.




Il en deviendra un habitué. Louant trois chambres, pour y loger de part et d'autre de la sienne secrétaires et grooms particuliers. C'est à Cabourg d'ailleurs qu'il rencontrera Alfred Agostinelli, chauffeur de taxi, grâce auquel il continuera d'arpenter la côte d'Albâtre, à toute allure, entre Houlgate et Honfleur. L'écrivain l'engage comme secrétaire, lui voue une passion qui lui inspirera l'amour du narrateur pour Albertine dans La Recherche du Temps perdu.

Délaissant les manuscrits et la lenteur des mots, Agostinelli, passionné de vitesses, de voyages et de mécanique, décide de partir sur la Côte d'Azur. Il y a en lui du Paul Morand, du Jacques Rigaut, du Roger Vailland, du moins c'est ainsi que je l'imagine. Il meurt d'un accident d'avion le 30 mai 1914, laissant Proust dans un indicible désespoir.




Cette mort, et la guerre: Proust ne remettra plus jamais les pieds à Cabourg, et se terrera dans son appartement parisien.

Il rendra le Grand Hôtel de Cabourg immortel, dont la verrière devient alors "comme un immense aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisible dans l'ombre, s'écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement, balancée dans des remous d'or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges.



Saint-Tropez Jazz

 Au Café des Arts, des touristes anglais et allemands s'esclaffent, tonnent, gloussent. J'observais ce joyeux fatras, silencieux. A ...