lundi 17 mai 2021

Parmi les vagues et les varechs

 Flaubert a un peu moins que mon âge quand il découvre la Bretagne, accompagné de son ami de toujours Maxime Du Camp. Tout juste vingt-cinq ans. Rien accompli que des débuts d'aventures de phrase. Quelques autres auparavant ont déjà entrepris le voyage, cependant. L'inspiration y était. Stendhal y a été un touriste avant l'heure, bien effrayé par l'austérité du granit noir de Saint-Malo. Puis il y a Chateaubriand, bien sûr. Sa tombe, du moins, devant la mer pour éternité.




Mai 1847, donc, les deux compères se rendent, pèlerins, au chevet du grand homme. "En face des remparts, à cent pas de la ville, l'îlot du Grand-Bé se lève au milieu des flots. Là se trouve la  tombe de Chateaubriand; ce point blanc taillé dans le rocher est la place qu'il a destinée à son cadavre"

Ils découvrent l'impermanence des paysages aux pieds de la ville noire, cette immense masse d'eau qui recouvre comme un linceul des rochers énormes qui se révèlent chaque jour quand la mer se retire. Ils écrivent, chacun un chapitre, posent des impressions, des constats, des remarques, mêlent la rêverie à la marche, la plume aux bottes. Bien avant l'Académie Française pour l'un. Bien avant les romans et le procès pour l'autre. Quelques années avant l'Orient, pour les deux.

Il s'agit, à l'heure des primes tentatives dans l'écriture, de rendre hommage à l'un des premiers maîtres. "Nous y allâmes un soir, à marée basse. Le soleil se couchait. L'eau coulait encore sur le sable. Au pied de l'île, les varechs dégouttelants s'épandaient comme des chevelures de femmes antiques le long d'un grand tombeau."


Puis tout en haut, contemplant la petite croix, Flaubert continue à propos de Chateaubriand: "Il dormira là-dessous, la tête tournée vers la mer; dans ce sépulcre bâti sur un écueil, son immortalité sera comme fut sa vie, déserte des autres, et tout entourée d'orages. Les vagues avec les siècles murmureront longtemps autour de ce grand souvenir; dans les tempêtes elles bondiront jusqu'à ses pieds, ou les matins d'été, quand les voiles blanches se déploient et que l'hirondelle arrive d'au-delà des mers, longues et douces, elles lui apporteront la volupté mélancolique des horizons et la caresse des larges brises."


Idée de lecture: Par les champs et les grèves, un voyage en Bretagne, Gustave Flaubert et Maxime Du Camp

Photo de la tombe de Chateaubriand. Île Grand-Bé.




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