mardi 26 décembre 2017

Les ténèbres de Lord Byron

C'est un poète déjà un peu maudit qui arrive sur les bords du Lac Léman au printemps 1816, dans le désir de se faire oublier de la société anglaise après quelque petite esclandre politico-sexuelle. Jusqu'en octobre, il entreprend une sorte de pèlerinage aux quatre coins de la Suisse, en compagnie notamment du célèbre poète Percy Shelley.
Mais à la suite de l'éruption volcanique du Tambora, en Indonésie, de l'autre côté du monde, un an auparavant, toute l'Europe est en proie à des bouleversements climatiques. On dira alors de 1816 qu'elle est l'année sans été.
Lord Byron traverse donc le Léman sous un ciel noir comme l'encre, remué par de violents orages et le souffle d'un vent qui donne au lac des impressions d'océan. La nuit se fait constante, on regarde les étoiles en vain, en se demandant pour soi-même ce qu'est devenu le soleil. Quelque chose dans l'air d'une apocalypse. Le poète terminera enfin sa course devant les portes du Château de Chillon, tout près de Montreux, "un bloc de tours posé sur un bloc de rochers" comme dira plus tard Hugo. Bloc de tours, en effet, dans les ténèbres.
Cette nuit en Europe qui dura tant de jours et de nuits inspirera à Byron l'un de ses plus célèbres poèmes, Darkness:

"J'eus un rêve; il ne fut pas pleinement un rêve.
L'éclatant soleil s'était éteint, les étoiles
Erraient obscurcies parmi l'espace éternel,
Sans rayons ni chemins, et la terre glaciale
Aveugle balançait, noire dans l'air sans lune;
L'aube fuit -vint, stérile du moindre jour.
Les hommes laissèrent leurs passions dans l'effroi
De leur désolation, où les cœurs se gelèrent
En une prière égoïste à la lumière."

Idée de lecture: Lord Byron, Poèmes, Allia, 1997, 2012

Photo du Château de Chillon.




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