Christian Dior se souvient: "Des femmes de mon enfance, il me reste surtout le souvenir de leurs parfums, parfums tenaces, beaucoup plus que ceux d'aujourd'hui, et qui embaumaient l'ascenseur, longtemps après leur passage, des tourbillons de fourrure, des gestes à la Boldini, des plumes du paradis, des colliers d'ambre."
Des gestes à la Boldini... De quoi laisser rêveur. Peintre de Ferrare quelque peu oublié que le Petit Palais remet tout à coup en lumière. On est projeté dans le froissement du satin, le poids des fragrance, la lenteur d'une démarche, la grâce d'un port de tête, l'éclat d'un regard. Les femmes si longuement, si précisément détaillées par Proust dans Les Plaisirs et les Jours, petite œuvre inaugurale qui donne justement son nom à l'exposition. On est saisi, dans le tournis d'un concert de fariboles, dignes des salons de Madame Verdurin, par la fulgurance soudaine d'une posture qui se fige dans l'éternité.
Toutes ces femmes frivoles, légères, parfois graves, fières, douces, piquantes, aux robes pourpre, aux pampilles vert Véronèse, le feston et l'ourlet aux couleurs de paons, voient leur silhouette s'élancer, sous le pinceau de L'Italien, onduler à la manière d'une volute, rappelant les figures maniéristes du seizième siècle. Le Greco, cela fût-ce possible à la Belle Epoque? n'est jamais loin.
Mais la ligne continue de se tordre, les traits se multiplient, le mouvement s'accélère, et les teintes tremblent, débordent de la forme. Déjà un peu le futurisme, Apollinaire, grand amateur d'art, le reconnaissait en son temps.
Sem, illustrateur fameux, parle ainsi de son ami: "Boldini a été le vrai peintre de son époque; il peignait les femmes à bout de nerfs, surmenés de ce siècle. Ces visions fulgurantes en zigzag tels des éclairs de chaleur, tous ces frissons, ces trémoussements, ces crispations sont bien dans la note de ces temps de névrose."
Boldini, Les Plaisirs et les Jours, exposition au Petit Palais jusqu'au 24 juillet 2022
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