samedi 21 mai 2022

El Americano

Il a dix-sept ans. Huit ans plus tard, il réalisera Citizen Kane. Le cinéma américain en restera KO. Il dépense la fortune de son père. Ne se soucie pas de ce genre de tracas. L'Europe désormais. Dublin. Paris, où il sera initié à l'illusion auprès de Houdini. Puis Séville. Dix-sept ans. Il emménage dans le quartier gitan. Triana. Au-dessus d'un bordel. Il y restera pour quatre mois, mais ne quittera jamais tout à fait l'Espagne. Il passe son temps à écrire des pulp fictions pour des journaux confidentiels. Tout Shakespeare sous le bras. Il a déjà en tête son Othello, Macbeth ou Falstaff.




Il découvre la Feria, la beauté des andalouses, le flamenco, le parfum des orangers, enchaîne les vermouths, découvre la corrida et finance lui-même quatre faenas dans les arènes. Il se mesure à la Bête. Se fait appeler El Americano. Un personnage d'un roman de Montherlant. Il se fait huer par la foule. Recommencera. Jamais ne se lassera du rouge de la muleta. Du noir du toro. De la douceur des nuits par-delà le Guadalquivir. En oublie le sommeil. Et fermente en lui déjà toute son œuvre. L'Espagne y sera toujours en creux. Au cœur.




Les murailles d'Avila, l'Alcazar de Ségovie, la plaza de Chinchon devenu un quartier de Macao, un parc de Madrid pour représenter la campagne anglaise.

Et bien sûr, son Don Quichotte. Œuvre inachevée, qu'il travaille une vie durant. A ses heures perdues. En pure perte. Il court après le Chevalier à la Triste Figure. Lutte contre ses propres moulins. Dans le désert de Castille. En songe du moins, puisque le tournage aura lieu au Mexique surtout, l'acteur principal, Francisco Regueira, ayant dû quitter le régime franquiste. Il laissera des milliers d'heures de rush. Ce fut le réalisateur espagnol, Jess Franco, connu pour ses films d'horreur teintés d'érotisme, qui se chargera de proposer un montage cohérent du film mort-né d'Orson Welles. Il avait été son assistant réalisateur sur le tournage de Falstaff. Il tourna, plusieurs décennies, des centaines de films, parfois trois ou quatre à la fois, reprenant des bribes ici et là, construisant, déconstruisant, dans une urgence, une frénésie qui le rapprochaient, si ce n'est dans le résultat au moins dans l'élan, d'une forme de grâce artistique qu'Orson Welles, j'en suis sûr, devait admirer.





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