vendredi 3 avril 2020

San Firmin à Babylone

Les chants résonnent dans toute la vallée. Les cris. Les rires. A chaque instant la bière coule à flots. La sueur. La salive quand deux bouches s'embrassent. Ce n'est pas la Navarre. C'est Sodome. C'est Gomorrhe. C'est Babylone. On s'y épuise d'ivresse.


A vingt-trois ans, Hemingway découvre Pampelune. Et ses fêtes dionysiaques. Ses hécatombes antiques du taureau que les Espagnols vénèrent. Dieu que l'on sacrifie.

Il y trouvera l'inspiration pour son premier roman, Le Soleil se lève aussi.
Il y reviendra une dizaine de fois. Dans ce carnaval de rouge et de blanc. Il y verra son âme absorbée par ses fêtes sans lendemain, qui durent une semaine tout entière.

L'éphémère se fait éternité.

On ne dort jamais vraiment, on s'écroule saouls et harassés, dans le vacarme, et la rumeur continue qui réveille une heure après s'être assoupis.
On se réveille, on se demande où l'on est, et quand on le comprend, on se demande si la ville tient encore debout, tant la terre tremble sous les danses de la foule.

Des années après, sur les pas du torero Ordonez, Hemingway reviendra sur son expérience des San Firmin:

"Pampelune n'est pas un endroit où emmener sa femme, écrira-t-il. Les chances sont très fortes qu'elle y soit malade, meurtrie ou blessée ou au moins bousculée ou aspergée de vin, ou alors qu'on la perde; et peut-être les trois."


"Certes si elle parle espagnol et sait donc quand on la plaisante sans l'insulter, si elle peut boire du vin toute la journée et toute la nuit et danser avec n'importe quel groupe d'inconnus qui l'invite, si ça ne la dérange pas qu'on l'éclabousse de diverses choses renversées, si elle adore le bruit et la musique continuels et aime les feux d'artifice, particulièrement ceux qui tombent près d'elle ou brûlent ses vêtements, si elle pense qu'il est d'une saine logique de chercher à voir où l'on peut s'approcher d'être tué par des taureaux gratuitement et pour s'amuser, si elle ne prend pas froid sous la pluie et jouit de la poussière, aime le désordre et les repas irréguliers et n'a jamais besoin de dormir et demeure pourtant pimpante et fraîche sans eau courante, alors amenez-là. Vous la perdrez probablement au profit d'un autre qui vaudra mieux que vous."


"Pampelune fut rude comme toujours, débordant de touristes et d'originaux, mais autour d'un noyau de tout ce qu'il y a de mieux en Navarre. Une semaine durant nous dormîmes en moyenne un peu plus de trois heures par nuit au son des tambours de guerre de Navarre, des fifres jouant les vieux airs et des danseurs bondissant et tourbillonnant. J'ai décrit Pampelune une bonne fois pour toutes, conclut-il."

Idées de lecture: 
-Hemingway, Le Soleil se lève aussi
-Hemingway, L'Eté dangereux

Photo de Pampelune:



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