Un immense puzzle. A jamais incomplet. Des blocs de pierre entreposés dans une galerie. Des visages de faunes, figés dans le marbre. Des grappes de raisins, des grenades, des figues. La tête d'un taureau. La silhouette d'un éphèbe. Une cariatide. Des inscriptions obscures. Tous des vestiges, des souvenirs d'un temps où Narbonne était romaine. Et la machine du mur lapidaire du musée tourne en continu, remplace un bloc par un autre pour mieux le mettre en lumière.
Combien d'années dans l'ombre? Jadis, ces pierres étaient entassées dans une chapelle. On ne savait qu'en faire. On ne sait jamais que faire des ruines. Elles sont encombrantes. Nécessitent de celui qui les observe trop d'imagination. Rappelle au spectateur qui ne se doutait de rien, chanceux, que les plus grandes villes s'abîment, que les grands empires disparaissent.
Il est un temps où Cordoue était la plus grande ville du monde. Au IXe siècle. Plus tôt, Narbonne, si petite ville désormais, était un centre des échanges méditerranéens. Au début de notre ère. Grande actrice de ce qui ressemblait déjà à une sorte de mondialisation. Entre Ostie, Alexandrie, Antioche, Corinthe ou encore Tarragone. Les ruines nous forcent donc à admettre que rien ne dure.
Masques de tragédies grecques. Fleurs trop blanches en marbre. Portraits de patriciens, dont il ne reste que le nom et ce regard impassible. On peine à imaginer les couleurs. Tout a pris la couleur de Carrare.
Au XVIe siècle, François I avait ordonné que les pierres de Narbonne soient exposées un temps aux portes de la ville, pour impressionner le voyageur. Et si déjà il ne restait plus que la Cathédrale Saint-Just, la Basilique Saint-Paul et le Palais des Archevêques, toujours debout aujourd'hui, il ne fallait pas oublier que l'un des plus grands Capitoles du monde antique y trônait jadis, et des temples à Vénus ou Mars, et tant de villas qui n'auront jamais eu la chance d'être sédimentées par quelque Vésuve.
Photo du Mur Lapidaire de Narbon Via:
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