Mistral et Alphonse Daudet s'y rendaient souvent, quand la garrigue avait fini de les occuper, que la bibliothèque des Cigales, comme disait ce dernier, avait fourni assez de matière pour plusieurs jours: le vent iodé, l'air imprégné de sable, la lumière qui brûle... Avignon, dans un grand éclat de joie que le Midi fait résonner.
Daudet rêva toujours de cette capitale rhodanienne qu'il restaurait, dans ses divagations épistolaires bien connues, en plein cœur du XIVe siècle.
"Qui n'a pas vu Avignon du temps des papes, n'a rie vu. Pour la gaieté, la vie, l'animation, le train des fêtes, jamais une ville pareille. C'étaient, du matin au soir, des processions, des pèlerinages, les rues jonchées de fleurs tapissées de hautes lices, des arrivages de cardinaux par le Rhône, bannières au vent, galères pavoisées, les soldats du pape qui chantaient du latin sur les places, les crécelles des frères quêteurs, puis, du haut en bas des maison qui se pressaient en bourdonnant autour du grand palais papal comme des abeilles autour de leur ruche, c'était encore le tic-tac des métiers à dentelles, le va-et-vient des navettes tissant l'or ses chasubles, les petits marteaux des ciseleurs de burettes, les tables d'harmonie qu'on ajustait chez les luthiers, les cantiques des ourdisseuses; par là-dessus le bruit des cloches, et toujours quelques tambourins qu'on entendait ronfler, là-bas, du côté du pont. Car chez nous, quand le peuple est content, il faut qu'il danse, il faut qu'il danse; et comme en ces temps-là, les rues de la ville étaient trop étroites pour la farandole, fifre et tambourins se postaient sur le pont d'Avignon, au vent frais du Rhône, et jour et nuit, l'on y dansait, l'on y dansait... Ah! l'heureux temps! l'heureuse ville! Des hallebardes qui ne coupaient pas; des prisons d'Etat où l'on mettait le vin à rafraîchir. Jamais de disettes; jamais de guerre... Voilà comment les papes du Comtat savaient gouverner leur peuple; voilà pourquoi leur peuple les a tant regrettés!..."
Ce temps où Avignon suppléait Rome. Où les Papes avaient trouvé une nouvelle patrie.
1342, Clément VI fut l'un des plus illustres occupants du Palais pour l'avoir considérablement réaménagé. Humaniste, il s'entoure des artistes les plus novateurs de son siècle.
Et les fresques comme conservées des limbes de ce Moyen âge font encore transparaître le raffinement dans lequel ces monarques vivaient. Son Studium a été décorée de visions nocturnes, où s'aperçoivent des scènes de chasse et de pêche. La Chambre des Cerfs, où n'émerge aucune scène religieuse, perpétue ainsi l'écho des hallalis lointaines.
L'année 1348 est sombre. L'épidémie ravage les cités. J'imagine le souverain pontife rédiger dans cette chambre obscure un discours ou une prière. On compte une quarantaine d'harangues prononcées pour cette seule année.
Tantôt, la visite d'un cardinal ou d'un poète, Pétrarque certainement, ou encore d'un peintre, pourquoi pas Matteo Giovanetti, venu de Viterbe, qui doit terminer l'ouvrage commencé par Simone Martini. Tache immense où les Palais de Mantoue ou de Florence ne sont encore qu'ébauchés.
1352, le poète n'ose pas demander à Clément VI son exemplaire d'un texte de Pline: il est tombé malade. Les médecin du pape échouent à calmer ses crises de goutte. A peine eut-il le temps avant de mourir de rappeler qu'il lui fallait être inhumé à l'abbatiale de la Chaise-Dieu.
L'hallali du plus grand pape d'Avignon s'acheva le 6 décembre.
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