A la mort de Julien de Médicis, puis quelques années plus tard celle de son neveu Laurent II de Médicis, le cardinal Jules de Médicis, futur pape Clément VII, et le pape lui-même, Léon X, chargent Michel-Ange de bâtir un tombeau à la gloire de cette illustre famille florentine. L'artiste multiplie les projets, n'achèvent rien, il travaille encore, à Rome, le mausolée de Jules II, qui lui avait confié les fresques de la chapelle Sxitine.
De 1520 à 1534, il exécute la commande illustre. C'est en personne qu'il choisit ses blocs de marbre à Carrare, il dessine, repense, fait apparaître dans le roc la forme nécessaire, celle qui ne pouvait que surgir du marbre. Et pourtant, lentement, il s'éloigne de la simple célébration de la puissance des Grands, cette puissance aussi grande qu'éphémère. Lentement, ce n'est plus un autel à la gloire des Médicis qu'il crée, mais une sorte de sablier qui rappelle au mortel une ou deux vérités.
Jamais il n'aura su être un artiste de commande, jamais un contrat n'aura su calmer l'orage qu'il pouvait être.
Romain Rolland, prix Nobel de littérature oublié, écrit en 1905 dans un texte qu'il lui consacre que Michel-Ange "ne sculpta point les Médicis. Il sculpta sa douleur et sa rage."
S'il se plie à contre-cœur aux exigences de ses souverains, il parvient à s'émanciper dans l'austérité de la pierre à la rigueur de leurs volontés.
Romain Rolland parle alors d'un poème de néant:
"Qui pense seulement aux Médicis? C'est une tragédie de l'âme solitaire et désolée. De nouveau, souffle le grand vent aride et brûlant de la Sixtine, et des formes farouches se lèvent dan l'ombre. Mais tout est, ici, plus morne. Il règne sur toute l'oeuvre un silence funèbre. Ce n'est plus l'attente tragique du Fils de l'Homme. C'est le néant qui pèse sur ces géants qui gémissent et qui grondent, et sur les deux héros solitaires qui songent. L'imperfection superbe de certains de ces colosses, dont le sculpteur n'a fait que déchirer de son ciseau le voile de marbre qui les recouvre, ajoute encore à l'impression d'effroi mystérieux. Il semble que ces divinités antiques, à demi dégagées du chaos, s'épuisent en vains efforts contre la force de destruction qui les aspire."
L'aurore et le crépuscule se font face, dans la langueur grise du marbre de Carrare, que l'artiste une fois encore ne terminera pas, offrant au temps la suspension de l'éternité.
Photo du Tombeau de Julien, duc de Nemours, dans la chapelle des Médicis, Sagrestia Nuova, Florence:
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