mercredi 4 décembre 2019

Fenêtre sur Méditerranée

Il fallait bien un lieu où la lumière parlât enfin... Matisse a épuisé le puits de l'impressionnisme, tout essoré du pointillisme. Décortiqué la leur, le spectre des couleurs. C'est alors qu'il découvre, tout recroquevillé aux pieds des Pyrénées, Collioure. Enfin, il y a quelque chose à peindre de nouveau. Il emménage devant la mer qu'il aperçoit dans le petit encart d'une fenêtre, où il attend les nuances du matin, comme les haruspices jadis dans un carré sacré les augures.
Il fait venir Derain, son jeune ami peintre de vingt-cinq ans. Et ensemble ils vont peindre des dizaines d'instantanés. Non plus la couleur telle qu'on la voit, mais la couleur telle qu'elle est, au-delà même de l’œil. La couleur absolue. La lumière qui tremble, qui vibre, qui empiète sur l'ombre. La grignote. La dévore. L'engloutit tout à fait.

Vue de Collioure, Matisse, 1907


La lumière rougit, rugit, bondit sur la toile. C'est plus qu'un coup de pinceau, c'est une giclée de sang après la prédation. Même Picasso, non loin de là, à Céret, restera saisi. Presque impuissant devant ce que Matisse et ses amis (Marquet, Van Dongen...) auront fait. Presque.

Le phare de Collioure, Derain, 1905



Au Salon d'automne de 1905, ce sera le choc. Les fauves sont là. On pensait que Cézanne avait déjà tout dit, il ne faisait que balbutier. Tout était encore à faire pourtant. 1905, à Collioure, face à la Méditerranée, la modernité dit ses premiers mots.

Photo de Collioure.




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