mardi 7 février 2023

L'aquarium de Balbec

 Ce fut d'abord Trouville et les chambres des Roches Noires, devant la mer. Le jeune Proust y vient très régulièrement, les étés, en compagnie de sa grand-mère d'abord, et sa mère. Il élargit son horizon, fuit les mondanités parisiennes. Il occupe l'appartement 110. Il écrit déjà.



C'est encore le moment où il découvre la Normandie. En 1907, il apprend que non loin d'ici, au-delà des falaises des Vaches Noires, ouvre un grand hôtel, à Cabourg. Sous sa plume, ce sera désormais Balbec, comme Roulettenbourg fut Baden-Baden pour Dostoïevski.




Il en deviendra un habitué. Louant trois chambres, pour y loger de part et d'autre de la sienne secrétaires et grooms particuliers. C'est à Cabourg d'ailleurs qu'il rencontrera Alfred Agostinelli, chauffeur de taxi, grâce auquel il continuera d'arpenter la côte d'Albâtre, à toute allure, entre Houlgate et Honfleur. L'écrivain l'engage comme secrétaire, lui voue une passion qui lui inspirera l'amour du narrateur pour Albertine dans La Recherche du Temps perdu.

Délaissant les manuscrits et la lenteur des mots, Agostinelli, passionné de vitesses, de voyages et de mécanique, décide de partir sur la Côte d'Azur. Il y a en lui du Paul Morand, du Jacques Rigaut, du Roger Vailland, du moins c'est ainsi que je l'imagine. Il meurt d'un accident d'avion le 30 mai 1914, laissant Proust dans un indicible désespoir.




Cette mort, et la guerre: Proust ne remettra plus jamais les pieds à Cabourg, et se terrera dans son appartement parisien.

Il rendra le Grand Hôtel de Cabourg immortel, dont la verrière devient alors "comme un immense aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisible dans l'ombre, s'écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement, balancée dans des remous d'or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges.



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