samedi 25 mai 2024

Tempête dans un verre d'eau

 Nous étions sur le CGN steamer au large de Montreux. Mécanique sublime qui crapote ses fumées en contre-bas des vignobles de Lavaux, dégringolant en escalier jusqu'aux clapotis du Léman.

De vieux amis, sur le pont, trinquaient à Neptune, quand leur gnôle éclaboussait la coque.

J'ai repensé à Brassens qui chantait que, dans le Golf du Lion, Neptune, même dans ses moments furieux, ne se prend pas au sérieux.

Si l'illustre Poséidon possède une ambassade alpine, je suis sûr que là non plus il ne prend rien pour argent comptant. Dans ces contrées bénies, des dieux en effet s'amusent.



Des plaisanteries, il y en eut quelques-unes. Un tsunami dans un lac. Cela vaut bien une tempête dans un verre d'eau.

L'an 563. Les rivages d'Evian, de Lausanne, de Genève semblent calmes. Une lumière incandescente descend des cimes. Et pourtant, sans crier gare, des vagues submergent les villes lacustres, jusqu'à treize mètres à Ouchy en contre-bas de Lausanne, quatre mètres à Nyons six mètres à Saint-Prex, et plus hautes là où le lac s'étrangle pour serpenter dans les eaux du Rhône.

Dans ses chroniques, Marius d'Avenches compte les villages engloutis. Le déluge "détruisit même beaucoup de lieux saints avec leurs desservants et il enleva avec furie le pont de Genève, des moulins et des hommes, et étant entré dans la cité de Genève, il y fit périr plusieurs personnes."



Un pan de la montagne se serait effondré, et dans sa chute entraîne les fonds marins avec lui. Grégoire de Tours, dans son histoire des Francs, raconte qu'avant la catastrophe l'on entendait soixante jours durant les sommets gronder, trépigner, rouspéter. Il évoque un étrange "mugissement." La montagne qui se craquèle de l'intérieur, les sédiments qui divorcent, la roche qui se brise en-dedans. Soixante jours. Puis le déluge, venu d'un mont qui portait le nom d'un Géant: Tauredunum. "Cette montagne se détachant et se séparant d'un autre mont contigu, se précipita dans le fleuve avec les hommes, les églises, les richesses et les maisons, et, lui barrant le passage entre ses rives qu'elle obstruait, refoula ses eaux en arrière; car cette région était enfermée de part et d'autres par les montagnes, du défilé desquelles s'échappe le torrent. Alors, inondant la partie supérieure, ce dernier recouvrir et détruisit tout ce qui était sur les rives."

Aujourd'hui, les scientifiques s'interrogent encore. Les regards se portent plutôt vers la montagne de la Suche qui surplombe le delta du Rhône. L'odieux Titan Tauredunum qui rit de bon cœur aux farces de Poséidon court toujours. De rives en rives, de pics en pics.


Source: "5000 ans de catastrophes, du Déluge aux collapsologues", L'Histoire, hors-série, janvier 2020




Valéry Larbaud, le Languedoc à l'âme.

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